Une équipe de chercheurs annonce avoir isolé des restes des plus anciens glaciers au monde dans les champs aurifères d’Afrique du Sud. Ces dépôts glaciaires extrêmement bien préservés auraient près de trois milliards d’années. Que pourrait-on apprendre d’une telle découverte ?
Les plus anciens glaciers de l’histoire
Le supergroupe de Pongola est une unité géologique située dans le sud de l’Afrique, principalement en Afrique du Sud et au Swaziland. Il est composé d’une série de formations rocheuses déposées dans un environnement marin peu profond et sur des plateformes continentales de l’ancien continent de Vaalbara. Âgé d’environ 2,9 à 2,6 milliards d’années, il s’agit de l’une des plus anciennes séquences de roches sédimentaires sur Terre.
En examinant l’un des sites de cette unité géologique retrouvé sous l’un des plus grands gisements d’or du monde, des chercheurs ont découvert des preuves physiques de moraines glaciaires fossilisées datées d’environ 2,8 milliards d’années. Pour rappel, une moraine glaciaire est une accumulation de débris rocheux, de sédiments et de matériaux transportés par un glacier lors de son avancée et de son retrait.
Alors que les conditions exactes de la Terre pendant cette période sont encore largement inconnues, ces restes glaciaires pourraient fournir la preuve d’un certain nombre de théories entourant les conditions environnementales de cette période. « Il se peut que cette zone ait été proche de l’un des pôles à cette époque« , note le professeur Axel Hofmann. « Une autre possibilité est que la Terre entière était dans une période « boule de neige », lorsque de faibles concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone et de méthane ont conduit à un « effet de serre inversé », provoquant le gel d’une grande partie de la planète« .
La Terre aurait en effet connu plusieurs périodes de glaciation sévère au cours de son histoire, notamment pendant l’ère du Néoprotérozoïque, il y a environ 720 à 635 millions d’années. Pendant ces périodes, les calottes glaciaires se seraient étendues sur une grande partie de la surface terrestre, entraînant des températures extrêmement froides et une réduction significative des niveaux des océans. Si un tel événement s’est effectivement produit à cette époque, il s’agirait alors de la première période de refroidissement mondial enregistrée. Pour l’heure, les chercheurs penchent donc pour ces deux hypothèses, sans trop de certitude.
Les isotopes confirment la découverte
Outre les preuves physiques de moraines glaciaires fossilisées, l’équipe a également analysé les concentrations d’isotopes d’oxygène dans les roches anciennes pour déterminer les conditions climatiques au moment où elles se sont déposées.
Pour rappel, les isotopes sont des variantes d’un atome qui diffèrent par leur nombre de neutrons. Les trois principaux isotopes de l’oxygène sont 16O, 17O et 18O. Le premier (huit protons, huit neutrons et huit électrons) est le plus abondant. Il représente en effet environ 99,76 % de l’oxygène naturel sur Terre. C’est aussi l’isotope stable le plus commun de l’oxygène. L’isotope 17O (huit protons, neuf neutrons et huit électrons) est donc plus rare. Sa concentration dans l’oxygène naturel est d’environ 0,037 %. Quant au 18O (huit protons, dix neutrons et huit électrons), sa concentration dans l’oxygène naturel est d’environ 0,20 %.
Ici, les chercheurs ont découvert que ces roches contenaient de très faibles quantités de 18O et de très grandes quantités de 17O. « Cela suggère qu’elles se sont formées à des températures glaciales« , précise Ilya Bindeman, coauteur de l’étude publiée dans les Geochemical Perspectives Letters. Autrement dit, ces analyses ont confirmé qu’il s’agissait bien de restes de glaciers.
L’importance de l’emplacement de la découverte (sous les plus grands gisements d’or sédimentaires de la Terre) peut également questionner. Il est en effet possible qu’un passage des conditions glaciaires aux conditions interglaciaires ait contribué à la formation de ces gisements d’or, mais cela doit être confirmé et nécessite des travaux supplémentaires.