Découverte d’un lac sous-glaciaire chargé en secrets sur le passé de la calotte antarctique

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Crédits : NASA/Goddard Space Flight Center Scientific Visualization Studio.

Les dessous de l’énorme calotte antarctique sont, à de nombreux égards, jonchés de mystères. Dans ce contexte, une équipe de chercheurs a annoncé avoir identifié un lac jusqu’alors inconnu sous la partie orientale de l’inlandsis, à quelques centaines de kilomètres de la côte. Les résultats ont été publiés dans la revue Geology ce 9 mai.

Baptisé Snow Eagle, ce lac est l’un des plus grands de l’Antarctique. De plus, il semble caractérisé par un taux d’accumulation sédimentaire extrêmement faible qui permettrait de remonter très loin dans le passé et d‘en apprendre plus sur la façon dont l’immense calotte de l’Antarctique de l’Est s’est mise en place.

Back to Éocène !

On rappelle que cette dernière est apparue il y a environ 34 millions d’années, à l’Eocène supérieur, en réponse à la baisse du dioxyde de carbone tout au long du Cénozoïque et à l’ouverture du passage de Drake qui a permis au courant océanique circumpolaire de se former et d’isoler thermiquement le continent. L’Antarctique tel qu’on le connaît aujourd’hui, avec une calotte supplémentaire à l’ouest, n’apparaîtra que 20 millions d’années plus tard.

« Ce lac est susceptible d’avoir un enregistrement de toute l’histoire de l’inlandsis de l’est antarctique, de son initiation il y a plus de 34 millions d’années, ainsi que de sa croissance et de son évolution à travers les cycles glaciaires depuis lors », relate Don Blankenship, l’un des coauteurs de l’étude. Une aubaine, en particulier dans un contexte de réchauffement global avec risque de déstabilisation partielle du mastodonte.

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Bathymétrie du lac sous-glaciaire, selon trois coupes est-ouest (T1, T2,T3). Blanc : glace, vert foncé : croûte terrestre, vert clair : sédiments lacustres et bleu : eau. La densité des divers matériaux est indiquée en T2. Crédits : Shuai Yan & coll. 2022.

Vers un enregistrement sans précédent de l’histoire de la calotte antarctique

La découverte de ce lac fait suite à trois ans d’observations intensives à l’aide d’un radar aéroporté et de capteurs de mesure du champ magnétique terrestre dans une région où les images satellitaires avaient préalablement révélé une très légère dépression de surface. Or, les soupçons ont été confirmés lorsque l’eau qui emplit le lac sous-glaciaire a réfléchi les ondes du radar qui l’a survolé et dessiné une bande brillante sur les écrans des chercheurs.

Les mesures du champ magnétique ont montré que Snow Eagle fait environ 42 kilomètres de long pour 15 kilomètres de large et près de 200 mètres de profondeur. Situé en aval d’un canyon, le fond du lac contiendrait plusieurs centaines de mètres de sédiments lentement accumulés au fil des millions d’années et datant probablement d’avant l’apparition de la calotte. Désormais, les chercheurs espèrent pouvoir effectuer un forage et prélever des échantillons dans un avenir proche.

« Ce lac accumule des sédiments depuis très longtemps, nous faisant potentiellement traverser la période où l’Antarctique n’avait pas de glace du tout, jusqu’au moment où il est devenu englacé », souligne Martin Siegert, coauteur de l’étude. « Nous n’avons pas un seul enregistrement de tous ces événements en un seul endroit, mais les sédiments au fond de ce lac pourraient être idéaux ».