La matière noire est l’un des plus grands mystères de l’Univers. Invisible, elle compose une grande partie de la masse cosmique, mais sa nature exacte reste inconnue. Pendant des décennies, les scientifiques ont spéculé sur cette substance étrange, croyant qu’elle n’interagit avec la matière ordinaire que par la gravité. Une nouvelle étude pourrait bien changer cette perception en suggérant que la matière noire et la matière ordinaire interagissent d’une manière encore inexplorée.
Qu’est-ce que la matière noire ?
Contrairement à la matière que nous connaissons (celle qui compose les étoiles, les planètes, et nous-mêmes), la matière noire ne peut pas être observée directement. En effet, elle n’interagit pas avec la lumière. Ce n’est pas qu’elle absorbe ou reflète la lumière comme certains objets sombres que nous connaissons. Elle est au contraire totalement « transparente » à la lumière, traversée par les ondes lumineuses sans aucune interaction. La seule façon dont nous savons qu’elle existe est par son influence gravitationnelle.
Pour expliquer simplement : selon la physique classique, dans une galaxie, les étoiles et d’autres objets en orbite autour du centre galactique devraient avoir une vitesse de rotation qui diminue à mesure qu’elles s’éloignent du centre, un peu comme les planètes dans notre Système solaire. Cependant, quand les astronomes mesurent la vitesse de rotation des galaxies, ils constatent que les étoiles situées à leur périphérie tournent beaucoup plus vite que ce que l’on attendrait en se basant uniquement sur la matière visible (les étoiles, les gaz et la poussière). Cette vitesse inattendue indique qu’il doit y avoir une masse supplémentaire invisible qui exerce une force gravitationnelle et c’est là que la matière noire entre en jeu.
Autrement dit, la masse visible ne suffit pas à expliquer pourquoi les galaxies ne s’effondrent pas ou pourquoi les étoiles à la périphérie tournent aussi vite. C’est grâce à cette influence gravitationnelle invisible de la matière noire que les galaxies maintiennent leur structure et que les mouvements observés peuvent être expliqués.

Ce que nous pensions savoir jusqu’à présent
Jusqu’à récemment, le modèle dominant soutenait donc que la matière noire interagissait uniquement par la gravité. De cette manière, elle est capable d’influencer la façon dont la lumière voyage à travers l’Univers en déviant parfois les rayons lumineux lorsqu’ils passent à proximité de grandes quantités de matière noire. Ce phénomène connu sous le nom de lentille gravitationnelle a permis aux scientifiques de cartographier la distribution de cette mystérieuse entité dans le cosmos.
En dehors de cet effet gravitationnel, on supposait jusqu’à présent que la matière noire et la matière ordinaire ne se touchaient jamais. Autrement dit, si une particule de matière noire passe à travers un atome, elle ne le perturbe pas. Cependant, une nouvelle étude remet en question cette idée simple.
Une découverte inattendue dans des galaxies naines
Des chercheurs se sont récemment penchés sur six petites galaxies appelées galaxies naines ultrafaibles. Situées près de la Voie lactée, elles sont particulièrement riches en matière noire. En observant la répartition des étoiles dans ces galaxies, les chercheurs ont alors constaté que quelque chose n’allait pas. Si la matière noire n’interagit que par la gravité, les étoiles devraient être plus denses en leur centre et plus éparses en périphérie. Or, ce n’est pas ce qu’ils ont observé.
Pour vérifier leur hypothèse, les chercheurs ont réalisé des simulations informatiques. Ils ont modélisé deux scénarios : l’un où la matière noire et la matière ordinaire n’interagissent que gravitationnellement, et l’autre où elles interagissent directement. À leur surprise, le modèle avec interaction directe correspondait mieux aux observations. Cela laisse penser que la matière noire pourrait bel et bien avoir des interactions subtiles avec la matière ordinaire, en dehors de la gravité.
Cette découverte est surprenante, car elle remet en question des décennies de théorie. Si elle interagit effectivement avec la matière ordinaire de façon plus complexe que prévu, cela pourrait indiquer que nos modèles actuels sont incomplets. Cela ouvre également la porte à de nouvelles recherches pour déterminer la nature exacte de cette interaction.
Il est bien sûr encore trop tôt pour savoir avec certitude comment ces deux types de matière interagissent. Les scientifiques n’ont en effet pas encore observé directement une particule de matière noire, et nous restons dans le domaine de la spéculation. Toutefois, ces résultats laissent entrevoir des possibilités excitantes pour l’avenir. Si l’interaction entre matière noire et matière ordinaire est confirmée, cela pourrait permettre de concevoir de nouvelles expériences pour détecter directement cette mystérieuse matière.