Une découverte paléontologique majeure vient bouleverser notre compréhension des reptiles marins préhistoriques. Des chercheurs ont récemment identifié une nouvelle espèce de plésiosaure, Traskasaura sandrae, une créature aussi étrange que redoutable, qui vivait il y a 85 millions d’années, à la fin du Crétacé.
Ce « monstre marin » mesurait près de 12 mètres de long, arborait un cou interminable, et possédait une dentition puissante, capable de broyer les coquilles des ammonites, ses proies probables. Mais ce qui intrigue le plus les scientifiques, c’est son style de chasse inédit et ses caractéristiques anatomiques jamais vues chez d’autres membres de sa famille.
Un plésiosaure pas comme les autres
Traskasaura appartient au groupe des élasmosaures, ces reptiles marins au long cou qui hantaient les océans aux côtés des dinosaures. Mais cette espèce se distingue radicalement des autres fossiles connus. Elle présente un mélange déroutant de traits primitifs et évolués, au point de dérouter les chercheurs pendant des décennies.
Son squelette révèle au moins 36 vertèbres cervicales bien conservées, suggérant un total dépassant probablement les 50, un record. L’épaule, en particulier, a surpris les paléontologues : sa structure, s’ouvrant vers le bas, est unique parmi les plésiosaures connus.
Autre surprise : les nageoires en forme d’ailes inversées, avec une courbure sur la face inférieure, évoquant une adaptation à des mouvements puissants… vers le bas. De quoi alimenter une hypothèse audacieuse : Traskasaura aurait été le premier plésiosaure capable de fondre sur ses proies en piqué, à la manière d’un oiseau de proie marin.
Une redécouverte après 35 ans de mystère
Le premier fossile de Traskasaura a été découvert en 1988, le long de la rivière Puntledge, sur l’île de Vancouver (Canada), par Michael et Heather Trask, à qui l’animal doit son nom. Malgré un squelette remarquablement complet (crâne, cou, membres et queue), son identité est restée floue pendant des décennies, en raison de ses caractéristiques inhabituelles.
Ce n’est qu’avec la découverte d’un second spécimen juvénile, mieux conservé, que les chercheurs ont pu confirmer qu’il s’agissait bel et bien d’un nouveau taxon.

Un emblème fossile… et une histoire humaine
Le nom de l’espèce, sandrae, rend hommage à Sandra Lee O’Keefe, épouse du paléontologue principal F. Robin O’Keefe, saluée comme une « vaillante guerrière dans la lutte contre le cancer du sein ».
Traskasaura a depuis été adopté comme emblème fossile officiel de la Colombie-Britannique en 2023, et ses fossiles sont aujourd’hui exposés au Courtenay and District Museum and Palaeontology Centre, où le public peut admirer cette créature hors du commun.
Une énigme de l’évolution
Pour les chercheurs, la découverte de Traskasaura est une preuve d’évolution convergente : des formes similaires apparaissent indépendamment dans des lignées différentes, en réponse à des contraintes écologiques similaires. Une stratégie de chasse descendante, par exemple, peut émerger chez plusieurs espèces sans lien direct.
« Cette créature est différente de tout ce que j’ai pu étudier », affirme O’Keefe. « Les fossiles regorgent de surprises. »
Et celle-ci, venue des abysses du passé, pourrait bien redéfinir ce que nous pensions savoir des prédateurs marins du Crétacé.
Les détails de l’étude sont publiés dans le Journal of Systematic Palaeontology.
