Nous pourrions avoir identifié une première « étoile » de matière noire

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Crédits : NASA/JPL-Caltech

On a longtemps pensé qu’un système particulier observé par le satellite Gaia n’était qu’un simple cas d’étoile en orbite autour d’un trou noir. Et s’il s’agissait en réalité de quelque chose de plus exotique ? Deux astronomes suggèrent en effet que ce trou noir serait en fait un amas de matière noire ou une étoile dite « bosonique ». La recherche, qui n’a pas encore été évaluée par des pairs, a été publiée sur le serveur de prépublication arXiv. De quoi parle-t-on précisément ?

Un couple tout à fait normal… a priori

Dans l’Univers, beaucoup d’objets évoluent dans des couples binaires, dont les combinaisons peuvent être multiples. Ces derniers peuvent notamment impliquer deux étoiles classiques, une étoile et une étoile à neutrons, une naine blanche et un trou noir ou même deux trous noirs pour ne citer que quelques exemples.

Repéré par le satellite européen Gaia il y a quelques années, le système dont il est ici question serait composé d’une étoile semblable au soleil et d’un trou noir. Cette étoile aurait une masse d’environ 0,93 masse solaire, tandis que le trou noir pèserait autant que onze Soleils. Ces objets se tourneraient l’un autour de l’autre tous les 188 jours à une distance de 1,4 unité astronomique (environ la distance Mars-Soleil).

Malgré tout, si la nature de cette étoile semblable au Soleil ne laisse pas de place au doute, celle du trou noir interroge encore. Nous savons en effet que des trous noirs se forment à la suite de la mort d’étoiles très massives. Dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, une étoile semblable au soleil aurait donc dû se former en compagnie de l’un de ces monstres cosmiques. Or, bien que ce ne soit pas tout à fait impossible, ce scénario nécessite une quantité extraordinaire d’ajustements pour que le « match » se produise et se maintienne pendant des millions d’années.

Les astronomes Alexandre M. Pombo et Ippocratis D. Saltas partagent alors le même doute : et si au lieu de n’être qu’un trou noir, il s’agissait en réalité d’autre chose ? Et si ce compagnon orbital particulièrement sombre était… un amas de particules de matière noire ?

Qu’est-ce que la matière noire ?

Pour rappel, la matière noire est une forme de matière hypothétique qui n’interagit pas avec la lumière, ce qui la rend « invisible » aux télescopes et aux instruments conventionnels. Elle ne peut donc pas être directement observée ou mesurée. Cependant, sa présence peut être inférée à partir des effets gravitationnels qu’elle exerce sur la matière visible tels que la rotation des galaxies, mais aussi la formation et l’évolution des structures à grande échelle de l’Univers.

Les observations suggèrent également que la quantité de matière noire est beaucoup plus importante que la matière ordinaire qui constitue tout ce que nous pouvons détecter directement. Selon certaines estimations, elle représenterait en effet environ 27% de la composition totale de l’Univers, tandis que la matière classique (dite baryonique) n’en représenterait que près de 5%. Le reste de l’Univers serait alors principalement composé d’énergie noire, une autre forme d’énergie mystérieuse qui influence l’expansion de l’Univers.

Les chercheurs ont proposé diverses hypothèses sur la nature de la matière noire, mais jusqu’à présent, aucune particule spécifique n’a été identifiée comme étant la matière noire.

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Crédits : iStock

Une « étoile bosonique »

La plupart des modèles théoriques supposent que la matière noire est distribuée de manière diffuse dans chaque galaxie. Cependant, plusieurs modèles suggèrent qu’elle pourrait s’agglutiner sur elle-même. L’un d’entre eux émet notamment l’hypothèse que la matière noire serait un nouveau type de boson. Pour rappel, les bosons sont les particules qui transportent les forces de la nature. Un photon est par exemple un boson qui porte la force électromagnétique. Le boson de Higgs, qui explique l’origine de la masse des autres particules élémentaires, est un autre exemple.

Les types de bosons proposés ici ne transporteraient pas de forces, mais ils auraient la capacité de former de gros amas. Certains d’entre eux pourraient avoir la taille de systèmes stellaires entiers, tandis que d’autres pourraient être beaucoup plus petits. Ces plus petits amas de matière noire bosonique pourraient même être aussi petits que des étoiles. On parlerait alors d’étoiles bosoniques. Ces étoiles, encore très hypothétiques, seraient donc entièrement invisibles. Cependant, nous pourrions les détecter par l’influence gravitationnelle imposée sur leur environnement.

C’est ce que proposent ici les deux chercheurs. Ce système ne serait pas composé d’une étoile et d’un trou noir de masse stellaire, mais d’une étoile et d’un petit amas de matière noire. D’après eux, un modèle simple de matière noire bosonique pourrait en effet produire suffisamment d’étoiles bosoniques pour rendre ce résultat plausible dans les données de Gaia. Par ailleurs, le remplacement d’un trou noir putatif par une étoile bosonique pourrait également expliquer toutes les données d’observation.

Bien qu’il soit peu probable qu’il s’agisse véritablement d’une étoile bosonique, les auteurs insistent sur la nécessité de faire des observations de suivi pour confirmer (ou non) leur hypothèse.