Découverte de la première forme de vie connue pour manger des virus

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Crédits : Pixabay License.

Une récente étude publiée dans les Actes de l’Académie nationale des sciences prouve que certains organismes microscopiques se nourrissent activement de virus. Bien qu’il s’agisse peut-être du premier « virovore » jamais documenté, de nombreux autres existent probablement, selon les auteurs. Par ailleurs, cette découverte pourrait avoir des implications beaucoup plus larges.

De nombreux virus étant connus pour provoquer des maladies, le domaine de la virologie s’est longtemps concentré sur ces organismes en tant qu’agents pathogènes. Cependant, il est utile de rappeler que les virus affectent également les processus écosystémiques en lysant les microbes et en provoquant la libération de nutriments (conséquences indirectes de la mortalité de l’hôte). De fait, nous pourrions placer les virus au premier rang des « prédateurs » de leurs chaînes alimentaires. Toutefois, comme la plupart des prédateurs, les virus peuvent également être au menu.

De nombreux butineurs qui avalent de l’eau, des particules de sol ou des feuilles ingèrent en effet régulièrement des particules virales, indirectement. Compte tenu de la faible masse de particules virales par rapport aux autres aliments, on pense que cette consommation de virus est sans importance sur le plan écosystémique. Néanmoins, les virus contiennent des acides aminés, des acides nucléiques et des lipides qui, s’ils sont consommés en quantités suffisantes, pourraient cette fois influencer la dynamique des populations des espèces qui les consomment. La question est : existe-t-il de véritables prédateurs pour les virus ?

Un protozoaire d’eau douce

Certains ciliés et flagellés peuvent ingérer de nombreux virus, mais l’impact démographique de cette consommation n’est pas encore très clair. Dans le cadre d’une récente étude, des chercheurs de l’Université du Nebraska-Lincoln nous livrent un exemple plus concret.

Pour ces travaux, les chercheurs se sont concentrés sur les chlorovirus. Vous retrouverez ces petits virus en eau douce, où ils infectent les algues vertes. Pour savoir si certains organismes vivants pouvaient ou non utiliser ces virus comme source d’énergie, les chercheurs ont prélevé des échantillons d’eau dans un étang avant d’y intégrer différents prédateurs potentiels. Ils ont ensuite introduit de grandes quantités de chlorovirus dans l’eau et ont patienté une journée.

À la fin de leurs expériences, les chercheurs ont identifié un organisme qui, visiblement, se délectait de ces petits virus. Il s’agit d’un protozoaire unicellulaire du genre Halteria. En présence de ces microbes, non seulement les populations de virus ont diminué, mais le nombre de protozoaires a également augmenté, indiquant que les microbes utilisaient le virus comme carburant. Alternativement, les populations de chlorovirus n’ont pas augmenté en l’absence d’Halteria.

Dans le cadre d’une autre expérience, les chercheurs ont cette fois utilisé un colorant vert fluorescent pour marquer l’ADN des chlorovirus avant qu’ils n’entrent dans l’eau. Une fois introduits, ils pouvaient alors voir les « estomacs » des protozoaires s’allumer. Dans un étang, Halteria pourrait ainsi être capable de manger jusqu’à 10 000 milliards de chlorovirus par jour, estime l’équipe.

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Dynamique prédateur-proie de Halteria se nourrissant de chlorovirus. Halteria a grandi en abondance (A) et a diminué l’abondance des chlorovirus (B). Source : PNAS

Quelles implications ?

Il n’est pas trop surprenant que certaines créatures aient évolué pour ingérer intentionnellement des virus. Après tout, ces derniers sont constitués de très bonnes choses : des acides nucléiques, beaucoup d’azote et de phosphore. Cependant, pour autant que les chercheurs aient pu le dire, leur étude est la première à montrer que certains microbes peuvent se maintenir avec des virus seuls.

Ces travaux pourraient également avoir des implications importantes. Ces virus sont en effet déjà connus pour jouer un rôle essentiel dans leurs environnements en recyclant le carbone et d’autres nutriments, privant ainsi des formes de vie plus grandes de ces substances.

Or, s’il s’avère que des êtres vivants mangent ces virus, comme semble le prouver cette étude, et que ces créatures sont ensuite mangées par des organismes plus gros, alors certains des nutriments et de l’énergie qu’ils recycleraient normalement pourraient finalement remonter la chaîne alimentaire. À grande échelle, cela pourrait complètement changer notre vision du cycle mondial du carbone.