Cette espèce de bactérie est environ 5 000 fois plus grande que la plupart des autres bactéries connues. Selon une étude publiée dans Science, c’est aussi la plus grande jamais observée. Comparable en taille et en forme à un cil humain d’un centimètre de long, elle est donc visible à l’œil nu. Et malgré sa taille imposante, elle ne représente aucun danger pour l’Homme (a priori).
Si la plupart de ces cellules bactériennes ne dépassent généralement pas les deux micromètres de long, certaines « bactéries géantes » peuvent néanmoins mesurer quelques centaines de micromètres. Jusqu’à présent, on pensait en revanche qu’il s’agissait du maximum théorique pour ce type d’organismes. Cette bactérie découverte en 2022 mesure pourtant près de deux centimètres de long, brisant finalement tous les records. Imaginez rencontrer un autre humain aussi grand que le mont Everest. C’est un peu l’effet que pourrait faire cette nouvelle bactérie sur le reste de sa communauté.
Nommé Thiomargarita magnifica, cet organisme incroyablement gros a été découvert par le biologiste marin Olivier Gros, de l’Université des Antilles en Guadeloupe, alors qu’il naviguait dans les eaux d’une mangrove.
Plusieurs caractéristiques inhabituelles
En raison de sa taille énorme, le biologiste a d’abord supposé qu’il s’agissait d’un eucaryote, le type de cellules dont sont constitués les animaux et les plantes. Cependant, vu sous un microscope puissant, cet organisme n’avait aucun noyau ni mitochondrie clairement définis. Une enquête plus approfondie a révélé qu’il s’agissait bien d’une bactérie. Depuis, d’autres spécimens ont été isolés dans les mangroves, accrochés aux feuilles, aux coquilles d’huîtres et même aux sacs plastiques.
Outre ses mensurations, cette bactérie étonne également sur d’autres points. Alors que l’ADN de la plupart des bactéries flotte généralement librement dans le cytoplasme de leurs cellules, celle-ci adopte une approche plus organisée. Plusieurs copies de son génome sont contenues dans toute la cellule dans des structures dotées d’une membrane. Elle présente également une enveloppe très dure. Les scientifiques sont en effet capables de la manipuler sans problème sans forcément risquer de les tuer. Enfin, elle semble se reproduire de manière inhabituelle. Le « cil » se resserre et finit par se séparer pour former un bourgeon contenant une valise d’ADN. Ce bourgeon est ensuite « pincé » avant d’être lâché dans l’environnement.
Encore beaucoup d’interrogations
Malgré sa taille intimidante, cette bactérie ne semble pas présenter de risque pour l’Homme. On ignore cependant encore beaucoup de choses à son sujet. Par exemple, on ne sait pas quand cette bactérie a divergé des autres membres de son genre.
On ne sait pas non plus pourquoi elle a développé ces caractéristiques étonnantes. Il pourrait s’agir d’un moyen de lutte contre la prédation. Une autre idée propose que sa grande forme allongée l’aide à obtenir de l’énergie. Cette bactérie utilise en effet la chimiosynthèse pour obtenir sa nourriture à partir du sulfure d’hydrogène présent dans les sédiments de la mangrove. Cependant, elle a également besoin de tirer l’oxygène de l’eau environnante. Cette forme allongée pourrait alors aider à « combler le fossé » dans l’interface située entre les sédiments riches en soufre et l’eau de mer.
La prochaine étape consiste à cultiver la bactérie en laboratoire pour en apprendre davantage. Encore une fois, mère nature ne cesse de nous surprendre.