Découverte : deux cténophores blessés peuvent fusionner en une seule entité

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Crédits : Velvetfish/istock

Les océans abritent certaines des créatures les plus étranges et fascinantes du monde et parmi elles, les méduses à peigne (ou cténophores) occupent une place particulière. Connues pour leur apparence translucide et leurs jeux de lumière scintillants, ces créatures marines parfois confondues avec les méduses classiques semblent tout droit sorties d’un film de science-fiction. Pourtant, ce ne sont pas leurs caractéristiques lumineuses qui viennent de captiver les scientifiques, mais une découverte aussi surprenante qu’inattendue : les cténophores sont capables de fusionner entre eux lorsqu’ils sont blessés pour créer un nouvel être vivant. Cette adaptation unique, jamais observée auparavant, pourrait bouleverser notre compréhension du règne animal.

Une découverte par accident

Cette capacité de fusion a été découverte de manière fortuite par une équipe de chercheurs dirigée par Kei Jokura, biologiste évolutionniste à l’Université d’Exeter au Royaume-Uni. Alors qu’ils menaient des expériences de routine sur des méduses à peigne verruqueuses (ou noix de mer, Mnemiopsis leidyi), les chercheurs ont remarqué que l’un des cténophores avait disparu d’un aquarium de laboratoire. En y regardant de plus près, ils ont finalement réalisé qu’en réalité, deux spécimens avaient fusionné pour ne former qu’un seul individu, sans aucune séparation visible entre eux.

Si dans la nature de nombreux animaux peuvent se régénérer après une blessure, la fusion des méduses à peigne est quelque chose de totalement nouveau pour les scientifiques. Jusqu’à cette étude, aucun exemple de ce type n’avait en effet été documenté. Ce phénomène inédit a alors donné naissance à une série d’expériences pour comprendre comment et pourquoi cette fusion se produisait.

Une adaptation mystérieuse

Pour comprendre ce mécanisme, les chercheurs ont blessé de façon légère des méduses à peigne en laboratoire et les ont placées ensemble. Sur vingt essais, neuf paires ont fusionné avec succès en un seul organisme. En moins de vingt-quatre heures, les corps des deux méduses s’étaient entièrement combinés et en quelques heures supplémentaires, leurs systèmes nerveux respectifs s’étaient synchronisés. Les chercheurs ont même observé que les deux estomacs fusionnaient, ce qui permet ainsi à la nourriture ingérée par l’une des bouches de circuler librement entre les deux organismes désormais unis.

Mais pourquoi ce phénomène se produit-il ? Les scientifiques pensent que cette fusion pourrait être une forme d’adaptation face aux blessures graves. Lorsque deux méduses blessées se trouvent à proximité, elles semblent préférer fusionner plutôt que de se régénérer indépendamment. Ce processus leur permettrait de survivre ensemble en partageant leurs ressources, comme leur système nerveux et leur estomac.

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En maintenant une population de Mnemiopsis leidyi dans un aquarium d’eau de mer, les chercheurs ont remarqué un individu anormalement grand avec deux extrémités aborales et deux organes apicaux. Crédits : Jokura et coll.

Une entité unique temporaire

Malgré leur apparence d’un seul et même organisme, les méduses fusionnées ne forment pas un véritable individu unique. Elles conservent en effet chacune leur propre ADN, ce qui signifie que cette fusion ne peut pas être transmise à la génération suivante. Ainsi, les chercheurs parlent plutôt d’une entité unique temporaire formée par la fusion de deux individus distincts.

Notez que ce comportement des cténophores est probablement très rare dans leur habitat naturel, les profondeurs marines. La fusion n’a lieu que si deux individus blessés se trouvent à proximité immédiate l’un de l’autre, une situation peu courante dans l’immensité des océans. Par ailleurs, ces méduses possèdent déjà une capacité de régénération très efficace qui leur permet de se remettre de blessures sans avoir besoin de fusionner.

Un avenir à explorer

L’équipe de Kei Jokura ne compte pas s’arrêter là. Les chercheurs prévoient en effet d’étudier d’autres espèces de cténophores pour voir si elles sont également capables de fusionner. Une espèce, appelée Bolinopsis mikado, sera bientôt le sujet d’une nouvelle série d’expériences.

En fin de compte, cette découverte sur la fusion des méduses à peigne ouvre une nouvelle porte sur la compréhension de la biodiversité marine et des capacités surprenantes qu’elle recèle. Alors que l’océan continue de révéler ses secrets, il nous rappelle à quel point le monde sous-marin est encore largement inexploré et plein de mystères.