vache de mer crocodile requin
Impression d'artiste du crocodile préhistorique attaquant la vache marine, tandis qu'un requin-tigre attend en arrière-plan. Crédits : Jaime Bran Sarmiento

Pourquoi la découverte de cette ancienne vache de mer est-elle aussi intéressante ?

Une découverte récente dans le nord du Venezuela a captivé la communauté scientifique en révélant les restes fossilisés d’une vache de mer préhistorique, victime d’une chaîne alimentaire complexe qui implique un crocodile marin et un requin-tigre. Ce squelette, qui date du Miocène inférieur à moyen (il y a environ 23 à 11,6 millions d’années), offre un aperçu rare de la dynamique des prédateurs marins d’antan et nous aide à mieux comprendre les interactions alimentaires anciennes.

La prédation des anciens siréniens

Les fossiles peuvent révéler des détails fascinants sur les interactions entre les prédateurs et leurs proies dans les écosystèmes anciens, bien que ces traces soient souvent fragmentaires. Les marques de morsures sur les os de mammifères aquatiques, telles que celles observées sur les pinnipèdes (comme les phoques) et les cétacés (baleines et dauphins), ont souvent fourni des indices précieux sur les interactions trophiques au cours des ères passées. Ces observations s’appuient sur des analogies modernes où des animaux comme les orques et les requins sont connus pour chasser activement des baleines et des pinnipèdes dans les océans contemporains.

La situation est différente avec les siréniens ou vaches de mer. Nous savons aujourd’hui que ces mammifères aquatiques herbivores, qui incluent les lamantins et les dugongs, sont particulièrement vulnérables aux attaques de prédateurs en raison de leur taille et de leur mode de vie. Cependant, contrairement aux pinnipèdes et aux cétacés, les preuves fossiles de telles interactions sont limitées, d’où l’intérêt de cette découverte.

Une chaîne alimentaire préhistorique dévoilée

Le squelette de cette vache marine a été découvert dans les affleurements de la formation d’Agua Clara, près de Coro. Les chercheurs, dirigés par Aldo Benites-Palomino de l’Université de Zurich, ont mis en lumière une scène de prédation particulièrement intrigante : l’animal aurait d’abord été attaqué par un crocodile marin, puis consommé par un requin-tigre. L’analyse des fossiles révèle en effet des marques de morsures distinctes attribuées aux deux prédateurs.

Les empreintes profondes et visibles sur le museau de la vache marine suggèrent que le crocodile (du genre Culebratherium) a initialement saisi sa proie par le visage en tentant probablement de l’étouffer. Les blessures causées par le crocodile montrent également une technique de prédation agressive et violente, incluant des roulades mortelles caractéristiques des comportements modernes de ces reptiles.

Le squelette présente également une dent de requin-tigre (Galeocerdo cuvier) dans le cou de la vache marine ainsi que des traces de morsures typiques de cet animal. Les requins-tigres, connus pour leur comportement opportuniste, semblaient également se nourrir de la carcasse. La découverte de cette ancienne vache de mer est donc particulièrement remarquable, car elle documente des preuves directes d’une chaîne alimentaire complexe impliquant plusieurs prédateurs.

vache de mer
Les restes de l’ancienne vache de mer. A, B : un squelette partiel et des fragments de crâne associés. C : vue détaillée du M2–M3 en vue occlusale. D, E : les fragments de crâne comprennent le rostre. F, G : le dentaire et H, I : le basicrâne. Crédits : Aldo Benites-Palomino et coll.

Une continuité à travers le temps

Les marques de morsures observées sur le squelette révèlent donc une chaîne alimentaire marine élaborée déjà à cette époque. Avec ses empreintes profondes, le crocodile marin a d’abord attaqué la vache de mer en tentant de l’étouffer avant de la traîner dans une roulade mortelle. Ensuite, le requin-tigre, souvent surnommé poubelle de la mer pour son régime alimentaire opportuniste, est intervenu pour se nourrir de la carcasse.

Autrement dit, d’anciens prédateurs suivaient des stratégies spécifiques pour capturer et consommer leurs proies, tandis que d’autres profitaient des restes, révélant ainsi une complexité dans les interactions écologiques qui semble avoir persisté à travers les âges. En effet, aujourd’hui encore, les réseaux alimentaires marins montrent une complexité similaire.

En somme, cette découverte ne se limite pas à révéler les habitudes alimentaires des animaux préhistoriques; elle offre un aperçu précieux sur la manière dont les chaînes alimentaires anciennes se sont développées et comment elles continuent de façonner les écosystèmes marins aujourd’hui.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.