Au début de l’Éocène, l’océan profond était aussi chaud que la Méditerranée

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De nouvelles analyses paléoclimatiques issues de l’Atlantique Nord ont montré qu’entre la fin du Paléocène et le début de l’Éocène, la température de l’océan profond était bien plus élevée qu’on ne le pensait jusqu’à présent. Les résultats ont été publiés dans la revue Science le 30 juin dernier.

Aujourd’hui, lorsque l’on évoque les eaux de fond de l’Atlantique Nord, on fait référence à des eaux froides et salées. En effet, après avoir parcouru le chemin sinueux de la dérive nord-atlantique où elles perdent en chaleur et gagnent en salinité, les masses d’eau plongent vers les profondeurs et alimentent un courant de retour qui transporte du froid vers le sud. Il s’agit de la contrepartie au transport de chaleur vers le nord en surface.

Un océan profond aussi chaud que la surface de la mer Méditerranée

De nouveaux travaux ont montré qu’au début de l’Éocène, il y a environ cinquante millions d’années, les eaux qui tapissaient le fond de l’Atlantique Nord étaient aussi chaudes, voire plus chaudes, que celles que l’on trouve actuellement à la surface de la mer Méditerranée. En effet, la température atteignait alors les vingt degrés. À cette époque, des palmiers et des crocodiles siégeaient en Arctique.

« Ces anciens climats d’étuve peuvent sembler très éloignés aujourd’hui, mais ils sont essentiels pour nous aider à comprendre l’impact du dioxyde de carbone sur le changement climatique », relate James Rae, l’un des coauteurs de l’étude. « Le CO2 a déjà transformé le visage de notre planète et à moins que nous ne limitions les émissions de gaz à effet de serre dès que possible, il le fera encore ».

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Température de l’océan profond (en °C) dans l’Atlantique Nord depuis 65 millions d’années. Le point d’échantillonnage est indiqué par une étoile rouge dans l’encadré. La courbe rouge présente les estimations précédentes. La courbe grisée et les bulles noires indiquent les nouvelles estimations, plus chaudes et variables que les précédentes. Enfin, la concentration de l’atmosphère en CO2 (en parties par million) apparaît en points verts. Crédits : Nele Meckler & coll. 2022.

L’environnement extrêmement chaud de l’Éocène est la conséquence d’une géographie et d’une distribution des courants différentes ainsi que d’un contenu atmosphérique en dioxyde de carbone trois fois plus élevé que l’actuel. L’effet de serre était par conséquent bien plus marqué. Mais comment les chercheurs s’y sont-ils pris pour obtenir ces résultats ? La réponse se trouve dans le dépôt continu de petites coquilles sur les fonds océaniques.

Les foraminifères révèlent un paysage climatique inattendu

Grâce à une carotte de deux à trois kilomètres de long forée sur le fond de l’Atlantique Nord, les scientifiques ont pu analyser les fossiles de foraminifères benthiques accumulés depuis soixante-cinq millions d’années, autrement dit depuis la fin du règne des dinosaures. Plus ceux-ci sont enfouis profondément sous le plancher océanique, plus ils portent des informations qui remontent loin dans le temps.

« Nous avons examiné la manière dont les différents atomes de carbone et d’oxygène étaient agglutinés dans ces anciennes coquilles, ce qui s’avère être une méthode très précise pour déterminer la température au moment où les coquilles se sont formées », explique Phil Sexton, coauteur du papier.

Jusqu’à présent, les reconstructions étaient basées sur les seuls isotopes de l’oxygène contenus dans les coquilles et qui sont influencés par d’autres facteurs que la température, par exemple le pH de l’eau de mer. En analysant les isotopes du bore pour isoler l’influence du pH et en effectuant une étude isotopique groupée de l’oxygène et du carbone, les chercheurs ont trouvé que le niveau de la température et sa variabilité avaient été sous-estimés.