De nouvelles mesures montrent à quel point l’évolution actuelle du CO2 atmosphérique est brutale

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Crédits : Pixabay License.

Des échantillons de glace antarctique ont récemment été analysés avec une précision sans précédent, permettant de mieux comprendre la variabilité naturelle du CO2 à l’échelle séculaire. En particulier, en période interglaciaire. Ces mesures permettent entre autres de mieux contextualiser l’ampleur de la perturbation climatique en cours. Les résultats ont été publiés le 21 août dernier dans la revue Science.

La concentration atmosphérique en dioxyde de carbone (CO2) a constamment varié dans le passé climatique de la Terre. Sans remonter aux lointaines époques géologiques, on peut évoquer les fluctuations glaciaire-interglaciaire des derniers 800 000 ans. Le taux de CO2 passait alors d’une valeur d’environ 180 ppm (parties par million) en phase froide à 280 ppm en phase chaude – et inversement. Des valeurs obtenues via l’analyse des bulles d’air contenues dans les glaces du Groenland et surtout de l’Antarctique.

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Évolution de la concentration atmosphérique en CO2 depuis 800 000 ans. La teneur en 2018 est marquée d’un point noir. Celles attendues en 2100 dans le cadre d’un scénario pessimiste et intermédiaire sont indiquées en rouge et bleu respectivement. Crédits : Kristopher B. Karnauskas & al. 2019.

CO2 : une variabilité assez mal connue à l’échelle du siècle

Cependant, les courbes reconstituées à ce jour possèdent une résolution nominale de l’ordre du millier d’années. Autrement dit, les variations à l’échelle séculaire ne sont pas bien connues. En particulier, pour les périodes datées d’il y a plus de 60 000 ans. Toutefois, des chercheurs ont récemment pu obtenir une partie de ces données grâce au développement d’une nouvelle technique de mesure à l’Université de Berne (Suisse). Celle-ci leur permettant d’extraire les gaz de sorte à minimiser les frictions. Pour leur étude, ils ont choisi de s’intéresser à la composition de l’atmosphère entre -450 000 ans et -330 000 ans. Un intervalle qui couvre une période froide et les deux interglaciaires qui l’encadrent.

Les données obtenues sont d’une résolution temporelle sans précédent. Plus précisément, 4 à 6 fois plus précises qu’auparavant. Elles montrent notamment que les pics de CO2 à l’échelle du siècle sont plus communs qu’on ne pouvait le penser. « Jusqu’à présent, on avait supposé que le climat était très stable au cours des périodes interglaciaires précédentes et qu’il n’y avait pas de changements brusques de la concentration atmosphérique de CO2 » explique Christoph Nehrbass-Ahles, auteur principal du papier. Cette vision est manifestement erronée puisque les mesures montrent qu’ils existent aussi bien en périodes glaciaires qu’interglaciaires.

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Une carotte de glace antarctique. Crédits : flickr.

L’étude met en lien ces pics séculaires de CO2 avec les changements de circulation océanique dans la région nord-atlantique. On parle plus communément d’AMOC pour désigner cette dernière – acronyme d’Atlantic Meridional Overturning Circulation. Des changements probablement associés aux injections d’eau de fonte par les calottes groenlandaise et antarctique. Aussi, le papier note que ces pics « peuvent se produire dans des conditions climatiques interglaciaires si les masses de glace terrestre sont suffisamment étendues pour pouvoir perturber l’AMOC par apport d’eau douce ».

Une vitesse de croissance contemporaine sans précédent

En outre, les travaux montrent à quel point les fluctuations naturelles du CO2 en période interglaciaire sont faibles par rapport à la perturbation anthropique actuellement en cours. Pour donner une idée, le pic séculaire le plus important rapporté dans l’étude est de l’ordre de 15 ppm.

Or, sur le dernier siècle, c’est une hausse supérieure à 110 ppm qui a été mesurée. En effet, nous sommes passés d’une valeur d’environ 300 ppm en 1920 à plus de 410 ppm en 2020. « Les sauts naturels de la concentration de CO2 dans l’atmosphère se sont produits environ dix fois plus lentement que l’augmentation d’origine humaine observée au cours de la dernière décennie » ajoute Christoph Nehrbass-Ahles.

Enfin, dans sa conclusion le document met en garde sur le fait que « des augmentations rapides de CO2 pourraient se produire à l’avenir si le réchauffement climatique perturbait également le schéma de circulation océanique ». Ce qui, selon les dernières projections climatiques, a une probabilité d’incidence plutôt élevée.

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