Il y a 167
millions d’années, d’immenses dinosaures arpentaient une lagune
d’eau douce, laissant derrière eux des traces aujourd’hui figées
dans la roche. C’est précisément ce que viennent de découvrir des
paléontologues de l’Université d’Édimbourg sur l’île de Skye, en
Écosse. Ce site, baptisé Prince Charles’s Point, renferme 131
empreintes fossilisées, devenant ainsi l’un des plus riches en
traces de dinosaures du pays. Mais ce n’est pas tout : ce lieu
n’est pas seulement un trésor préhistorique, il est aussi chargé
d’histoire. En 1746, Bonnie Prince Charlie, célèbre prétendant au
trône britannique, aurait en effet traversé cette même zone en
fuyant après la bataille de Culloden. Sans le savoir, il marchait
peut-être sur les traces de géants du Jurassique.
Qui étaient ces dinosaures
?
Les empreintes découvertes varient
en taille, allant de 25 à 60 cm, et appartiennent à deux groupes de
dinosaures bien distincts :
Les théropodes : des
carnivores bipèdes aux griffes acérées, probablement proches du
Megalosaurus, l’un des premiers dinosaures jamais identifiés. Leurs
empreintes se distinguent par leur forme à trois doigts.
Les sauropodes : ces
énormes herbivores au long cou, semblables au Cetiosaurus,
laissaient quant à eux des empreintes rondes, parfois aussi larges
qu’un pneu de voiture.
Ces dinosaures ne
faisaient pas que traverser la lagune : certaines traces s’étendent
sur plus de 12 mètres, indiquant qu’ils marchaient tranquillement,
sans précipitation. Le chevauchement des empreintes suggère même
que certains d’entre eux se sont retrouvés au même endroit au même
moment, peut-être pour s’abreuver ou simplement errer en quête de
nourriture.
Une lagune très prisée par
les prédateurs
Ce qui intrigue
particulièrement les chercheurs, c’est la forte concentration
d’empreintes de théropodes sur ce site. Comparé à d’autres sites
fossilifères similaires, Prince Charles’s Point semble avoir attiré
un nombre anormalement élevé de ces dinosaures carnivores,
soulevant de nombreuses questions sur les raisons de leur présence
en si grand nombre.
Plusieurs hypothèses
ont été avancées pour expliquer ce phénomène. L’une des
possibilités est une abondance de proies dans cette région à
l’époque, rendant la lagune particulièrement attractive pour ces
prédateurs. Un écosystème riche en proies aurait pu permettre à
plusieurs théropodes de coexister sans une compétition trop féroce
pour la nourriture.
Une autre explication
pourrait être les conditions environnementales spécifiques de cette
lagune. Une eau peu profonde et un accès facile à des ressources
alimentaires variées auraient pu créer un cadre de vie idéal pour
ces dinosaures carnivores, leur offrant un habitat propice à leur
développement.
Enfin, les chercheurs
suggèrent que cette lagune aurait pu être un passage clé dans les
déplacements de ces créatures, servant de point de convergence pour
des théropodes en quête de nourriture ou simplement en migration.
Cette théorie expliquerait pourquoi leurs empreintes se chevauchent
avec celles des sauropodes herbivores qui fréquentaient également
la région.
« Sur Skye, ces
dinosaures préféraient clairement les environnements lagunaires peu
immergés aux vasières exposées sous l’eau », expliquent les
chercheurs. Cette découverte renforce l’idée que ces grands
prédateurs avaient des préférences spécifiques en matière d’habitat
et ne se contentaient pas de chasser n’importe où.
Empreinte de dinosaure fossilisée découverte sur l’île de Skye, en
Écosse. Crédits : Steve Brusatte/X
Une illustration de l’environnement de l’époque. Crédits : Steve
Brusatte/X
Une fenêtre unique sur le
passé
Grâce à la
technologie moderne, les scientifiques ont utilisé des drones pour
photographier le site sous tous les angles et créer des modèles 3D
ultra-précis des empreintes. Ces modèles permettront d’analyser en
détail la démarche, la taille et le comportement des dinosaures
ayant foulé ces terres il y a des millions d’années.
Cette découverte,
publiée dans la revue PLOS One, renforce l’importance de l’île de Skye
comme haut lieu de la paléontologie, offrant une précieuse fenêtre
sur la vie des dinosaures au Jurassique moyen.
Une chose est sûre :
ces empreintes, figées dans le temps, continueront de nous révéler
leurs secrets pour encore longtemps.
Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines
favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec
Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les
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