Au printemps 2014 aux Svalvard, des iles de l’Arctique au nord de la Norvège, des chercheurs ont eu la surprise d’observer un ours blanc s’affairer autour de deux carcasses de dauphins. C’est la première fois qu’un ours polaire est pris en flagrante consommation de cette espèce spécifique : le dauphin à nez blanc.
Bande de charognes !
L’article relatant les faits parait dans la revue Polar research en juin dernier. Les scientifiques du Norvegian Polar institute et du Fram Centre décrivent le comportement d’un ours mâle adulte se nourrissant sur une dépouille de dauphin. Notre chère boule de poil se trouve totalement repue à l’arrivée des chercheurs, puisqu’elle a pratiquement fini de dépiauter le premier cétacé. Que fait-on des restes ? On les congèle ! C’est précisément ce que fait l’ours ici : le deuxième cadavre de dauphin, intact, est trouvé recouvert de neige.
Au début de l’histoire, rien ne prédestine le pauvre Flipper à finir en surgelé. Les scientifiques du Grand Nord les plus experts savaient déjà que l’ours peut garnir son menu de proies chez d’autres espèces de dauphins, et même chez le Narval ou la Baleine blanche. Mais cela reste un comportement extrêmement rare. Ici, il ne s’agit pas de chasse, mais de se nourrir de charognes plus ou moins conservées.
It’s fresh, so fresh !
Le dauphin en question ne pointe pas d’ordinaire son nez blanc dans des zones si nordiques, et peuple généralement des mers un peu plus au Sud. Or, depuis les années 1970, la température des eaux de l’archipel a significativement augmenté. Ainsi durant l’hiver 2013/2014, des zones normalement recouvertes de glace en sont dépourvues. Ceci expliquerait la présence des dauphins dès le début du printemps dans la mer de Svalvard. Malheureusement pour eux, des rafales de vent venues du Nord ont ramené la glace en avril, coinçant du même coup les dauphins dans des eaux hostiles. Encerclés de glace ils deviennent des proies faciles pour l’ours, qui n’a qu’à piocher dans le trou d’eau leur servant à respirer.
À table !
Durant l’été, l’équipe de scientifiques reporte sept autres carcasses de dauphins et six ours se nourrissant dessus. Bien qu’il chasse d’ordinaire des phoques, Ursus maritimus ne rechigne donc pas devant une occasion facile de s’en mettre plein la panse, même d’espèces inhabituelles. Autre comportement peu commun, le fait de recouvrir les corps de neige servirait à retarder l’arrivée d’éventuels concurrents tels que les mouettes ou les renards.
Adaptation au climat ? Opportunisme ? Bien qu’un peu charognard sur les bords, espérons que l’ours garde… la pêche.
Par Chloé Huguenin
Sources : IFLScience ! ; Polar research
– Crédits photo : 2015, J. Aars et al. / Polar Research CC BY-NC