L’iceberg A-68 a libéré 152 milliards de tonnes d’eau douce près de la Géorgie du Sud

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Iceberg A-68 peu après son détachement. Crédits : ESA / Copernicus Sentinel data.

De nouveaux travaux ont retracé l’entièreté du cycle de vie de l’iceberg A-68, l’un des plus grands jamais observés et dont les pérégrinations se sont déroulées de juillet 2017 à avril 2021. Les résultats ont récemment été publiés dans la revue scientifique Remote Sensing of Environment.

La fracture qui se développait depuis 2014 dans la barrière de glace du Larsen C aboutissait le 12 juillet 2017 à la scission totale et définitive d’une partie de la plateforme. L’iceberg A-68, le sixième plus grand iceberg jamais observé sur Terre, était né. Il commença alors un voyage qui durerait près de quatre ans et qui l’emmènerait jusqu’au nord de la mer de Scotia, à 4000 kilomètres de là.

L’odyssée d’un iceberg retranscrite par les satellites

En combinant les données apportées par cinq satellites d’observation de la Terre, un groupe de chercheurs du Centre for Polar Observation & Modelling et du British Antarctic Survey a récemment décrit l’entièreté du cycle de vie de cet iceberg. Dans leur papier, les scientifiques rapportent de façon détaillée la trajectoire de l’iceberg, mais également l’évolution de son épaisseur, de son volume et du rythme de fonte sur la période s’étendant de juillet 2017 à janvier 2021, la disparition complète de A-68 ayant été actée en avril 2021.

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Historique du mouvement de l’iceberg A-68 entre le 12 juillet 2017 et le 4 mars 2021. Les trajectoires des anciens icebergs sont également indiquées en lignes jaunes. Crédits : Anne Braakmann-Folgmann & coll. 2022.

« Notre capacité à étudier chaque mouvement de l’iceberg avec autant de détails est due aux progrès des techniques satellitaires et à l’utilisation d’une variété de mesures », relate Tommaso Parrinello, l’un des coauteurs de l’étude. « Les imageries satellitaires enregistrent l’emplacement et la forme de l’iceberg et les données des missions d’altimétrie ajoutent une troisième dimension, car elles mesurent la hauteur des surfaces au nadir des satellites et peuvent donc observer comment un iceberg fond ».

Une catastrophe évitée de peu en mer de Scotia

Les données ont également précisé l’impact qu’a eu le mastodonte lorsqu’il tangenta la Géorgie du Sud à la fin de l’année 2020. Ce déplacement emprunté par l’iceberg dans l’Atlantique Sud avait alors inquiété et fait la une de nombreux médias. En effet, le bloc de glace risquait de perturber le fragile écosystème insulaire où migrent des espèces comme les phoques, les manchots ou les baleines. Néanmoins, les données révèlent qu’à ce moment, les eaux plus chaudes avaient déjà suffisamment fait fondre l’iceberg pour empêcher que celui-ci ne s’ancre sur le fond marin et vienne bloquer les mouvements des populations marines.

Crédits : Copernicus Sentinel / ESA.

Cela étant, le processus de fonte a malgré tout libéré quelque 152 milliards de tonnes d’eau douce enrichie en nutriments à proximité de l’île, équivalant à plus de soixante millions de piscines olympiques et avec des conséquences encore incertaines sur la faune et la flore régionales. On rappelle que la surface initiale d’A-68 se chiffrait à environ 5800 kilomètres carrés pour 350 mètres de haut. En d’autres termes, il s’agissait d’un réservoir de mille milliards de tonnes chargé d’eau froide et peu salée.

« Il s’agit d’une énorme quantité d’eau de fonte et la prochaine chose que nous voulons savoir, c’est si elle a eu un impact positif ou négatif sur l’écosystème autour de la Géorgie du Sud », rapporte Anne Braakmann-Folgmann, auteure principale de l’étude. « Étant donné que l’A-68 a emprunté une route commune à travers le passage de Drake, nous espérons en savoir plus sur les icebergs qui prennent une trajectoire similaire et leur influence sur les océans polaires ».