Pourquoi la crise de l’eau s’annonce plus grave que prĂ©vu

secheresse
Crédits : piyaset / iStock

Alors que la demande en eau continue à augmenter dans de nombreux pays, les chercheurs s’attendent à ce que le débit moyen des cours d’eau diminue dans la plupart des régions sous l’effet du réchauffement global. Pire : les données de terrain suggèrent que les modèles climatiques sous-estiment l’ampleur de la crise qui s’annonce. C’est en tout cas ce que nous enseigne une étude publiée dans la revue Nature Water ce 2 février.

Anticiper l’évolution du débit des cours d’eau avec le changement climatique est une thématique aussi complexe qu’essentielle. En effet, les rivières et les fleuves alimentent en eau des milliards de personnes à travers le monde, permettent l’agriculture ainsi que le transport fluvial et constituent un réservoir de biodiversité à part entière. Par ailleurs, ils jouent un rôle en termes de production énergétique, par exemple dans les centrales hydroélectriques ou nucléaires.

Les rapports d’experts convergent sur le fait que la disponibilitĂ© en eau sera plus erratique dans un climat rĂ©chauffĂ©. La hausse des tempĂ©ratures et de l’évaporation font plus particulièrement que pour un mĂªme apport pluvieux, les dĂ©bits moyens seront orientĂ©s Ă  la baisse, avec une aggravation des Ă©tiages. D’un autre cĂ´tĂ©, les pluies surviendront sous forme d’épisodes moins rĂ©guliers, mais plus intenses, ce qui explique pourquoi le risque de crues ponctuelles ne disparaĂ®t pas, voire s’accentue.

La baisse du débit moyen des cours d’eau sous-estimée

Une nouvelle étude indique que ces projections déjà menaçantes sous-estiment pourtant l’étendue réelle de la crise qui s’annonce. Sur la base de données récoltées sur plus de 9500 bassins versants distribués à travers le monde, les scientifiques ont en effet trouvé que les projections antérieures, effectuées sur la base de modèles physiques, ne rendaient pas compte de la complexité réelle de l’hydrologie régionale.

cours d'eau débits
A. DĂ©bit moyen annuel des cours d’eau (en millimètres par an). B. Évolution du dĂ©bit sur la pĂ©riode 2021-2050 (baisse en couleurs chaudes, hausse en couleurs froides) selon les modèles physiques. C. Idem que B, mais sur la base des simulations contraintes par les observations. D. DiffĂ©rence entre B et C. On note que la mĂ©thode observationnelle montre une baisse moyenne du dĂ©bit des cours d’eau plus importante. CrĂ©dits : Yongqiang Zhang & coll. 2023.

« La façon dont le bilan hydrique est liĂ© aux paramètres externes [tempĂ©rature, prĂ©cipitations, etc.] varie d’un endroit Ă  l’autre et la vĂ©gĂ©tation locale joue Ă©galement un rĂ´le très important », rapporte GĂ¼nter Blöschl, auteur principal de l’étude. « Il est difficile de dĂ©velopper un modèle physique simple qui puisse Ăªtre utilisĂ© pour calculer avec prĂ©cision ces interrelations partout dans le monde ».

Autrement dit, il ne suffit pas que les modèles simulent clairement la façon dont les températures et les précipitations évolueront dans le futur pour obtenir une bonne estimation des impacts sur le débit des cours d’eau. C’est pour cette raison que les chercheurs ont tiré parti de près de dix mille séries d’observations, dont certaines remontent à plusieurs décennies.

L’enseignement majeur qui en ressort est que le dĂ©bit des cours d’eau est moins sensible aux prĂ©cipitations, mais plus sensible Ă  l’évaporation que ce qui Ă©tait supposĂ© jusqu’à prĂ©sent. Cela signifie que les tensions sur l’approvisionnement en eau d’ici le milieu du siècle seront sensiblement plus Ă©levĂ©es qu’on ne le pensait. Selon les rĂ©sultats de l’étude, cette rĂ©vision Ă  la hausse concerne tout particulièrement l’Australie, l’Afrique et les continents nord et sud-amĂ©ricains.

« Jusqu’Ă  prĂ©sent, les mesures du ruissellement n’Ă©taient gĂ©nĂ©ralement pas incluses dans les modèles climatiques, comme ceux utilisĂ©s par le GIEC », relate le chercheur. « Avec ces sĂ©ries de mesures dĂ©sormais disponibles, il devrait maintenant Ăªtre possible d’ajuster les modèles physiques en consĂ©quence ».