Covid-19 : une explosion des cas de dépression chez les étudiants

jeune femme seule isolement
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Un an après l’application du plan d’urgence « chèques psy », les experts disent faire face à une vague de troubles anxieux et dépressifs chez les étudiants. Or, cette même vague serait très difficile à contenir pour des professionnels qui au passage, se sentent eux-mêmes lésés par le dispositif.

Une frange de la population particulièrement touchée

Quelques semaines après le début de la pandémie de Covid-19, nous donnions plusieurs pistes pour lutter contre l’anxiété et la dépression durant le confinement. Nous étions alors en mars 2020 et il s’agissait du premier confinement. Jusqu’à aujourd’hui, les Français ont subi pas moins de trois épisodes de confinement. L’apparition du variant Omicron, l’application du pass sanitaire et l’isolation sociale (télétravail, cours en ligne) pèsent aujourd’hui sur les citoyens. Dans ce contexte, une frange de la population est particulièrement touchée par les effets psychologiques qu’engendrent les confinements, l’isolement social et la pandémie en général : les étudiants. Depuis de nombreux mois, les études et enquêtes se multiplient et ces dernières sont unanimes. Malheureusement, les étudiants sont au plus mal.

Dans un communiqué du 9 novembre 2021, l’Inserm et l’Université de Bordeaux dévoilaient une enquête très parlante sur l’état de la situation actuelle. Selon les résultats, environ 37% des étudiants souffrent de troubles dépressifs et 27% d’anxiété. Certains ont même déjà eu des pensées suicidaires (environ 13%). Rappelons tout de même que le suicide est la deuxième cause de décès chez les 15-25 ans. Évidemment, ces chiffres sont alarmants et sans surprise, les experts s’inquiètent de plus en plus.

« Il est aussi important de réaliser que ce problème ne sera pas résolu simplement parce que les confinements ont cessé. La détresse d’un grand nombre d’étudiants est toujours très présente et beaucoup plus forte qu’avant l’épidémie. Il faut réaliser que les problèmes de santé mentale des étudiants ne sont pas derrière nous mais devant nous et qu’ils sont très diffus. Tous n’ont pas de maladie mentale sévère mais tous sont affectés, ont du mal à ‘fonctionner’ correctement, et certains troubles risquent de s’aggraver au cours du temps avec les risques de décrochage des études, de dépression, voire des comportements suicidaires dans le pire des cas », avait alors déclaré Christophe Tzourio, professeur d’épidémiologie et co-auteur de l’étude.

Le dispositif « chèques psy »

Le spécialiste s’est également exprimé dans le quotidien Le Monde le 3 janvier 2022. Également directeur de l’espace Santé Étudiants de l’Université de Bordeaux, l’intéressé a expliqué que les sollicitations sont aujourd’hui plus élevées que d’habitude, à raison de +30 à 50%. Pour l’intéressé, il est question d’une nouvelle vague de troubles anxieux et dépressifs qu’il est difficile de contenir..

« Et cela ne représente que la toute petite partie émergée de l’iceberg : ceux qui savent que nos services existent et qui ont la capacité de faire ce geste compliqué de demander de l’aide » a précisé Christophe Tzourio.

consultation psy
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Il y a plus d’un an, le gouvernement français avait mis en place un plan en réponse à la crise psychologique que traversent les étudiants. En effet, chaque jeune a eu droit à trois « chèques psy », autrement dit un forfait de trois séances de psy gratuites (45 min chacune) dans le cadre d’une aide d’urgence. L’idée du gouvernement était de proposer une alternative aux centres médico-psychologiques (CMP) qui malgré leur gratuité, sont très souvent complets. Et pourtant, l’initiative « chèques psy » a rapidement reçu de nombreuses critiques : manque de communication, lourdeurs administratives ou encore, des praticiens assez peu séduits. Au final, seulement 14 000 étudiants ont bénéficié de cet accompagnement d’urgence alors que l’on estime à 2,7 millions de jeunes en proie à une santé mentale fragile. Il s’agit évidemment d’un échec, puisque le ratio d’étudiants suivis est de seulement 0,51.

Après ce constat, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, avait alors annoncé le recrutement de 80 psychologues dans les universités en 2021 afin d’offrir à chaque étudiant 8 séances au lieu de 3. Toutefois, si 66 000 consultations supplémentaires ont été promises, très peu de jeunes y auraient eu recours. De plus, le dispositif est aujourd’hui très fortement décrié parmi les psychologues qui s’estiment surchargés et surtout, sous-payés (30 € la consultation). Ainsi, nombreux sont ceux désirant ne plus participer à l’initiative et certains se sont même déjà retirés.

Comment notre cerveau subit-il les effets de l’isolement social ?

Durant cette crise sanitaire, il ne fait aucun doute que les impacts de l’isolement social sur notre cerveau ont été fortement négligés. Pourtant, les premières recherches sur le sujet sont apparues dans les années 1950. Différents travaux ont montré l’avantage de bénéficier de forts liens sociaux au quotidien ou encore, pointé des liens entre l’isolement et la dépression, ainsi que l’apparition de maladies cardiovasculaires. En 2020, des chercheurs du MIT ont directement observé les effets de l’isolement social sur notre cerveau au moyen d’une expérience incluant des IRM fonctionnelles. Les scientifiques ont évoqué certaines zones du cerveau contenant de nombreux neurones dopaminergiques. Or, ceux-ci définissent nos motivations et attentes concernant le monde extérieur. Ces mêmes neurones s’activent dès lors qu’il devient question d’anticiper une activité positive, comme un contact social (ou un repas).

Ainsi, le manque d’interactions sociales – tout comme le manque de nourriture – fait que le cerveau est en proie à une absence de satisfaction et est en quelque sorte « affamé ». Pour les chercheurs, les conséquences de l’isolement sur le long terme s’expliquent donc de cette façon. Par ailleurs, si le cerveau doit s’adapter – ce qui n’a rien de négatif en soi –  cette capacité d’adaptation n’est pas vraiment faite pour durer très longtemps. Ainsi, le contexte actuel engendre logiquement une multiplication des cas de dépression et d’anxiété, généralement plus prononcée chez les étudiants, une population particulièrement vulnérable.

Une vulnérabilité touchant différentes catégories d’étudiants

5 000 étudiants ont été interrogés dans le cadre d’une enquête de l’Observatoire de la vie Étudiante (OVE) de novembre 2021, ce qui a permis d’identifier quatre catégories spécialement fragiles. Citons les personnes en difficulté financière, dont 65% sont en proie à une détresse psychologique mais aussi les étrangers (53%), les plus de 26 ans (53%) ainsi que les femmes (48%). Évoquons le fait que seulement 4% de l’ensemble des étudiants ont fréquenté au moins une fois le Service de Santé Universitaire (SSU) ou les bureaux d’aide psychologique universitaire (BAPU).

Enfin, faisons un point sur les ressources à la disposition des étudiants. Tout d’abord, il incombe d’appeler le 15 (SAMU) ou le 112 (urgence) en cas de crise suicidaire. La plateforme Santé Psy Étudiant est toujours active dans le cadre du dispositif « chèque psy ». Il existe également des applications permettant de trouver un psychologue en ligne et éventuellement se faire accompagner par un spécialiste de la problématique recherchée. Évoquons aussi la plateforme interactive Je peux en parler de l’association Nightline France ou encore, les plateformes d’appel SOS Amitié et Suicide Écoute.