Pluton Charon
Une illustration montre Pluton et sa plus grande lune Charon. Crédits : NASA/Robert Lea (créé avec Canva)

Le couple Pluton-Charon, fruit d’un long baiser glacé de 10 heures

Dans les profondeurs glacées du Système solaire, à la lisière de la ceinture de Kuiper, Pluton et Charon forment un duo unique qui fascine les scientifiques depuis leur découverte. Cette relation gravitationnelle particulière entre la planète naine et sa plus grande lune reste une énigme d’autant plus que Charon est exceptionnellement grande par rapport à son corps parent. Récemment, une équipe de chercheurs a proposé une nouvelle théorie audacieuse pour expliquer cette union : le modèle du baiser et capture. Cette approche révolutionnaire suggère qu’une collision cosmique inhabituelle a permis à Pluton de capturer Charon après une fusion brève, mais intense.

Pluton et Charon : un système unique

Déclassée au statut de planète naine en 2006, Pluton demeure l’un des objets les plus mystérieux du Système solaire. Charon, sa plus grande lune, est à elle seule une anomalie. Avec un diamètre qui représente près de la moitié de celui de Pluton et une masse équivalente à 12 % de celle de son corps parent, Charon est proportionnellement bien plus grande que la Lune par rapport à la Terre. Ce rapport de taille inédit confère au système Pluton-Charon le statut de système binaire où les deux corps orbitent autour d’un centre de gravité commun situé en dehors de Pluton.

Pourtant, l’origine de ce couple est longtemps restée un mystère. Les lunes des grandes planètes, comme celles de Jupiter ou de Saturne, sont souvent capturées par gravitation. Toutefois, une lune de la taille de Charon autour d’un objet relativement petit comme Pluton ne peut pas résulter d’une simple capture gravitationnelle. Jusqu’à présent, la théorie dominante était donc celle d’une collision massive, semblable à celle qui aurait formé la Lune terrestre. Toutefois, cette explication laissait des zones d’ombre que la nouvelle hypothèse du baiser et capture cherche à éclaircir.

Une collision pas comme les autres : le baiser et capture

Selon de nouvelles recherches publiées dans , Pluton et Charon se seraient formés suite à une collision d’un type inédit. Les scientifiques suggèrent qu’il y a des milliards d’années, deux corps glacés de la ceinture de Kuiper sont entrés en collision. Toutefois, au lieu de fusionner ou de se détruire mutuellement, ces deux objets auraient temporairement fusionné, pour former un bonhomme de neige cosmique. Après une dizaine d’heures seulement, cette union s’est rompue, mais les deux corps sont restés gravitationnellement liés, créant ainsi le système binaire que nous connaissons aujourd’hui.

Ce modèle, surnommé baiser et capture, se distingue des scénarios classiques comme frapper et fuir ou fusionner. Habituellement, lors d’une collision cosmique, les corps impliqués agissent comme des fluides en raison de la chaleur intense générée par l’impact. Cependant, dans le cas de Pluton et Charon, la faible taille des deux objets et leur composition glacée ont joué un rôle crucial. Contrairement aux corps fluides, ces objets possédaient une résistance structurelle suffisante pour préserver leur intégrité lors de la collision. Ainsi, Charon n’a pas pénétré suffisamment profondément dans Pluton pour être absorbé, ce qui a permis leur séparation après le « baiser » initial.

L’un des éléments clés de cette théorie repose sur la simulation de la collision. En tenant compte de la résistance des matériaux glacés, les chercheurs ont observé que la fusion entre Pluton et Charon était trop superficielle pour que les deux corps restent unis. Cette fusion temporaire a également permis à Charon de rester en dehors du rayon de corotation de Pluton, ce qui signifie que les deux corps ne tournaient pas à la même vitesse. Cette différence a finalement conduit à leur séparation et à l’établissement d’une orbite stable pour Charon.

Pluton Charon
Le système Pluton/Charon pendant sa phase bonhomme de neige. Crédits : Robert Melikyan/Adeene Denton

Des implications pour la ceinture de Kuiper et au-delà

Cette nouvelle théorie ne se limite pas à expliquer l’origine de Charon ; elle pourrait révolutionner notre compréhension des collisions dans la ceinture de Kuiper, une région encore peu explorée située au-delà de l’orbite de Neptune. Plusieurs objets de cette zone, comme Eris et sa lune Dysnomia ou encore Orcus et Vanth, présentent en effet des systèmes similaires au couple Pluton-Charon. Le baiser et capture pourrait donc être un mécanisme commun pour la formation des lunes dans cette région glacée.

En outre, cette théorie ouvre de nouvelles pistes pour étudier les évolutions à long terme des corps glacés. Les chercheurs souhaitent notamment analyser l’effet des forces de marée sur Charon qui pourrait avoir migré vers son emplacement actuel au fil des milliards d’années. Comprendre cette migration permettrait de confirmer le modèle baiser et capture et d’affiner les connaissances sur l’histoire thermique de Pluton.

Enfin, cette découverte soulève des questions intrigantes sur la géologie interne de Pluton et Charon. Si le « baiser » initial a effectivement influencé la formation du couple, il pourrait également être lié à la présence d’océans souterrains sur ces corps glacés. Les chercheurs souhaitent étudier comment les conditions thermiques créées par l’impact auraient pu faciliter la formation et la conservation de ces éventuels réservoirs liquides.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.