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Coulé en 1942, ce navire continue de polluer l’environnement marin

Crédits : Ghent University

Reposant en mer du Nord depuis 80 ans, l’épave du V-1302 John Mahn est un problème d’ordre environnemental. Selon une étude récente, la carcasse libère encore des substances chimiques et des métaux lourds qui, malheureusement, influent sur la microbiologie marine environnante.

Comprendre les effets des épaves sur leur environnement

Les épaves de navires et autres avions se comptent par centaines dans les profondeurs de la mer du Nord. Il faut dire que, durant des siècles, ce lieu a été le théâtre de nombreux affrontements. Certaines de ces épaves sont encore en bon état et d’autres beaucoup moins, mais toutes permettent d’aider à reconstituer l’histoire humaine. En revanche, leur impact sur l’environnement pose question, et une étude parue dans la revue Frontiers in Marine Science le 18 octobre 2022 tente d’apporter des réponses.

Une équipe de chercheurs belges s’est intéressée au V-1302 John Mahn, un bateau de pêche allemand d’une longueur de 48 mètres. Construit en 1927, le navire a fait l’objet d’une réquisition par l’armée et a servi comme patrouilleur. Toutefois, celui-ci a été attaqué et coulé – avec ses stocks de munitions et de charbon – par la Royal Air Force britannique en 1942. Depuis, l’épave repose dans la partie belge de la mer du Nord.

Les scientifiques ont prélevé des échantillons de la coque en acier ainsi que des sédiments à l’intérieur de l’épave. Ils ont également effectué des prélèvements autour de la carcasse, en variant les distances et les directions. L’objectif ? Comprendre si les vieilles épaves peuvent continuer à influer sur les communautés microbiennes locales ainsi que les sédiments.

Un champ de recherche à explorer

Selon les résultats, il existe des concentrations de polluants variables en fonction de la distance avec l’épave. Parmi les substances se trouvent des métaux lourds (cuivre, nickel), de l’arsenic, des composés explosifs, des composés relatifs au pétrole et au charbon ainsi que des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Par ailleurs, les plus fortes concentrations de métaux lourds ont été repérées près de la soute à charbon et les concentrations les plus élevées en HAP, près de la carcasse. Au sein des échantillons aux taux de polluants les plus importants, les scientifiques ont observé la présence de bactéries Rhodobacteraceae et Chromatiaceae. Ces organismes sont connus pour dégrader les HAP. Citons aussi la présence de bactéries Desulfobulbia, favorisant la corrosion de la coque en acier.

bactéries coque bateau
Crédits : Ghent University / Frontiers in Marine Science

Pour les chercheurs, l’étude montre que, même après 80 ans, une épave peut encore influer de manière significative sur la chimie des sédiments et l’écologie microbienne. Concrètement, il est question d’une pollution de l’écosystème marin et de risques environnementaux de plus en plus élevés au fur et à mesure de la corrosion du navire. Par ailleurs, un autre risque s’ajoute, celui concernant les charges non explosées se trouvant encore dans l’épave.

Alors qu’il existerait environ trois millions de restes de navires et d’autres engins dans les océans de notre planète, les scientifiques belges encouragent à mener d’autres recherches du même type. En effet, l’étude du V-1302 John Mahn est atypique sur bien des points et ne permet pas d’avoir une vue d’ensemble.

Yohan Demeure, expert géographe

Rédigé par Yohan Demeure, expert géographe

Licencié en géographie, j’aime intégrer dans mes recherches une dimension humaine. Passionné par l’Asie, les voyages, le cinéma et la musique, j’espère attirer votre attention sur des sujets intéressants.