Et si on intégrait les couches usagées dans le béton ?

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Des chercheurs japonais ont eu une idée pour résoudre deux problèmes qui impactent les villes indonésiennes en plein essor : une surabondance de déchets non dégradables (des couches) et une pénurie de matériaux de construction (le béton). Pour ce faire, ils proposent d’intégrer les premiers dans les seconds. Les détails de l’étude sont publiés dans Scientific Reports.

Réduire le coût des matériaux de construction

Dans la plupart des pays en développement, l’accès à un logement convenable et abordable est de plus en plus difficile. Dans certaines circonstances, le problème n’est pas une pénurie de logements, mais une source de revenus inadéquate, tandis que dans d’autres, le revenu est relativement élevé, mais l’offre de logements et le financement sont limités. En conséquence, les prix des habitations augmentent.

Une solution serait alors de proposer des logements moins chers à la construction. Dans ce cas de figure, outre l’achat du terrain, les matériaux de construction sont souvent l’intrant tangible le plus important. Ces matériaux peuvent en effet représenter jusqu’à 80 % de la valeur globale d’une habitation résidentielle simple. Il est donc nécessaire de « travailler » sur de nouveaux matériaux moins chers, mais tout aussi capables de répondre aux normes imposées.

Malheureusement, de nombreux gouvernements, tant centraux que municipaux, continuent d’insister sur l’utilisation de matériaux et de techniques de construction conventionnels. Ces restrictions empêchent l’utilisation de matériaux de construction plus appropriés et facilement disponibles dans différentes régions. Elles freinent également l’utilisation de technologies de construction à la fois rentables et respectueuses de l’environnement.

Une équipe de chercheurs de l’université de Kitakyushu, au Japon, a néanmoins récemment trouvé le moyen de réduire le coût du béton, l’un des matériaux de construction les plus utilisés au monde, tout en respectant les normes imposées par le gouvernement d’Indonésie. Or, la population urbaine continue de fleurir dans ce pays et les logements se font rares. Des logements à bas prix y sont donc désespérément nécessaires.

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Vue aérienne d’immeubles de bureaux dans le quartier des affaires du centre-sud de Jakarta, la capitale indonésienne. Crédits : Amed-in-bali/iStock

Des couches dans du béton

En temps normal, les principaux composants du béton sont le ciment, les granulats (tels que le sable et les graviers), l’eau et éventuellement des adjuvants chimiques. Les proportions de ces différents matériaux sont soigneusement calculées en fonction des propriétés souhaitées du béton, telles que la résistance, la durabilité et la maniabilité. Ici, les chercheurs ont eu l’idée d’intégrer des couches de bébés usagées. Dans cette « mixture », elles remplaceraient les granulats fins normalement utilisés pour un résultat final similaire.

Dans le cadre de cette étude, des couches ont été lavées, séchées et désinfectées, puis intégrées au béton. L’expérimentation a été menée sur des maisons de trente-six mètres carrés au sol composées uniquement d’un rez-de-chaussée divisé en une pièce de vie, deux chambres et une salle de bains.

L’équipe a déterminé que le mortier pour les composants structuraux, comme les murs porteurs et la chaussée de la voie publique, ne pouvait tolérer qu’un maximum de 10 % de matériau de couche ajouté. Cependant, le mortier et le béton pour les composants non structuraux, comme les cloisons murales non porteuses et les pavés de sol à faible impact, pourraient tolérer que jusqu’à 40 % de leurs agrégats soient remplacés par des couches.

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Deux avantages

Cette approche innovante pourrait réduire l’impact environnemental des couches usagées. En effet, si certains pays proposent des méthodes de recyclage, toutes ces couches finissent en général dans des incinérateurs ou dans des décharges à ciel ouvert. Elles représenteraient ainsi en moyenne 2 à 7 % du volume total des ordures ménagères domestiques dans le monde.

Le problème est qu’elles contiennent des matières plastiques, des polymères superabsorbants et autres fibres qui peuvent prendre des années, voire des centaines d’années pour se décomposer dans l’environnement.

L’approche pourrait dans le même temps réduire l’impact environnemental des granulats intégrés normalement dans le béton. Leurs matériaux sont en effet souvent extraits de carrières ou de rivières, ce qui favorise la destruction des habitats naturels, l’érosion des sols, la dégradation des cours d’eau et la perte de la biodiversité locale. En outre, l’extraction et le traitement des granulats nécessitent de l’énergie, de l’eau et des ressources naturelles, ce qui peut contribuer à la consommation de combustibles fossiles et à la production de gaz à effet de serre, sans oublier les émissions liées à leur transport.