Des chercheurs de l’université Northwestern ont récemment mis au point un matériau révolutionnaire inspiré de la cotte de mailles médiévale qui combine souplesse et résistance extrême grâce à une avancée chimique inédite. Ce matériau, conçu à partir d’une structure polymère unique, compte 100 000 milliards de liaisons mécaniques par centimètre carré, établissant ainsi un record de densité dans le domaine des matériaux synthétiques. Cette percée ouvre la voie à des avancées significatives dans des secteurs variés, de la protection balistique à l’ingénierie aérospatiale.
Une prouesse scientifique à l’échelle moléculaire
Dans le domaine des matériaux, il était jusqu’à présent très difficile de créer des liaisons mécaniques solides. Contrairement aux liaisons chimiques qui se forment grâce à des échanges ou des interactions entre atomes, les liaisons mécaniques reposent sur l’enchevêtrement physique des molécules à la manière des maillons d’une chaîne.
Pour relever ce défi, des chercheurs de Northwestern ont utilisé des monomères en forme de X comme briques de base de leur matériau. Ces monomères constitués de quatre groupes aromatiques étendus ont été disposés en couches dans une structure cristalline. En introduisant un composé chimique appelé dialkyldichlorosilane, les extrémités des monomères ont été liées entre elles pour former une toile ultrarésistante où les molécules s’enchâssent comme des maillons de cotte de mailles.
Cette configuration unique permet au matériau de répartir les forces appliquées sur de nombreux points, le rendant presque indéchirable. « Si vous essayez de le déchirer, vous devrez casser des liaisons à des milliers d’endroits différents, ce qui lui confère une résistance exceptionnelle », explique le professeur William Dichtel qui a dirigé la recherche.
Des propriétés impressionnantes pour des applications multiples
Les propriétés de ce matériau le placent au premier rang des innovations en chimie des matériaux. Lors des tests, les chercheurs ont intégré une petite quantité (2,5 %) de ce polymère dans un composite existant appelé Ultem, connu pour sa robustesse face aux chocs, aux produits chimiques et aux températures extrêmes. Résultat : une augmentation de 45 % du module de traction, une mesure clé de la résistance des matériaux.
Cette amélioration ouvre la voie à des applications variées, notamment dans la conception de gilets pare-balles plus légers et plus efficaces. Les textiles balistiques pourraient également bénéficier de ce matériau, offrant une protection accrue sans compromis sur la maniabilité. D’autres secteurs, tels que l’aérospatiale et l’automobile, pourraient exploiter ses propriétés pour développer des composants à la fois légers et résistants.
L’un des principaux atouts de ce polymère est sa capacité à être produit en quantités significatives. Contrairement à d’autres matériaux innovants, souvent confinés aux laboratoires, ce matériau peut être fabriqué à grande échelle. Les chercheurs ont déjà réussi à produire un kilogramme et estiment que la production industrielle est envisageable.

Une découverte enracinée dans l’histoire de la chimie
Cette percée s’inscrit dans une longue tradition de recherche sur les liaisons mécaniques à l’université Northwestern. Les chercheurs ont dédié leur étude à Sir Fraser Stoddart, chimiste renommé et lauréat du prix Nobel en 2016 pour ses travaux sur les structures moléculaires imbriquées. « Fraser a développé des méthodes ingénieuses pour modéliser ces structures, mais leur application à de grands polymères restait limitée », explique Dichtel. « Grâce à notre approche, nous avons surmonté ces limitations en exploitant les avantages d’une structure cristalline pour stabiliser les liaisons mécaniques. »
Cette recherche, fruit d’une collaboration entre chimistes et experts en matériaux, souligne l’importance de l’interdisciplinarité pour repousser les limites des technologies actuelles. Les scientifiques espèrent explorer encore davantage les propriétés uniques de ce matériau révolutionnaire.
Un avenir prometteur pour les matériaux de demain
Avec ses performances impressionnantes et sa capacité à être produit en grandes quantités, ce polymère pourrait transformer de nombreuses industries. Les gilets pare-balles et autres textiles balistiques deviendraient non seulement plus légers, mais aussi plus résistants. Dans le secteur aérospatial, ce matériau pourrait réduire le poids des composants sans sacrifier leur solidité, contribuant ainsi à des véhicules plus performants et économes en énergie.
Les chercheurs estiment que ce n’est que le début des applications possibles. À mesure que les études progressent, de nouvelles utilisations pourraient émerger dans des domaines allant de la médecine à l’électronique. « Nous avons encore beaucoup à découvrir sur ce matériau », conclut Dichtel. « Ses propriétés exceptionnelles pourraient révolutionner la façon dont nous concevons et utilisons les matériaux de haute performance. »