Un corps de rêve… et pourquoi vous le voulez

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Crédits Sophie & Cie/Flickr, CC BY-SA

Douze pour cent des femmes, selon une étude britannique de 2011, donneraient dix ans de leur vie juste pour obtenir un poids idéal, tandis que 29 % des hommes pensent, au moins cinq fois par jour, à leur apparence physique. Alors, en quoi consiste un corps idéal et pourquoi en voulons-nous un à tout prix ?

Commençons par ce point de départ : l’examen de corps féminins « hyper idéaux », à savoir les représentations que notre culture considère comme idéales. Nous avons pris les mesures de mannequins lors de défilés, celles des mannequins de vitrine, celles des supermodèles, celles des stars du porno (OK, nous n’avons pas réellement calculé celles des supermodèles et des stars du porno. C’est sur Internet que nous avons eu leurs mensurations). Nous sommes même allés jusqu’à soumettre à cet examen les figurines articulées de Barbie et de G.I. Joe (et non leurs poupées) que nous avons mesurées avec des règles à calcul et du fil dentaire.

Formes et minceur

Qu’y a-t-il de commun à toutes ces représentations du corps ? Pour les femmes, cela peut se résumer en deux mots : formes et minceur. Pour une Australienne, en moyenne, l’indice de masse corporelle (IMC) – le poids en kilogrammes divisé par le carré de la taille en mètres – est d’à peu près 27. Plus précisément, celui d’étudiantes en sciences se situe à 22, celui des mannequins de défilés à 20, celui des stars du porno à 18, celui des supermodèles à 17,5, celui des mannequins de vitrine à 17 et celui de Barbie à 14,5 (un niveau atteint en Australie par une femme sur 100 000, généralement au prix de privations menaçant leur vie).

Barbie, un corps impossible.
MyEyeSees/Flickr, CC BY

Le corps féminin « hyper idéal » est non seulement mince, mais doté de formes. Cela rend la chose difficile car les femmes minces n’ont en général, pas de formes et les femmes qui ont des formes ne sont pas habituellement minces.

Le rapport tour de hanches/tour de taille est une estimation simple et un élément pertinent pour apprécier la façon dont les hommes séduisants (et aussi les femmes) jugent les corps féminins. S’il est bas, c’est mieux, mais à travers des limites. Les hommes convoitent les femmes dotées de mensurations d’environ 0,6 ou 0,7, une catégorie incluant Kim Kardashian (0,65), Angelina Jolie (0,66) et Scarlett Johansson (0,72). En moyenne, une jeune femme atteint à peu près 0,75, les mannequins 0,70, les stars du porno et les supermodèles 0,69, et Barbie 0,56.

Les lecteurs avertis de The Conversation, j’en suis sûr, ne seront pas étonnés d’apprendre que la taille du buste entre également en ligne de compte. Chez Barbie, le rapport du buste à la taille est de 13 fois supérieur à la moyenne.

Nous avons mis au point, sous le nom d’index du sablier, une mesure simple de la plénitude des formes du corps féminin tout entier. Elle consiste à diviser le taux buste-taille par celui de la taille aux hanches. Plus le rapport est élevé, mieux c’est. Encore mieux avec un chiffre astronomique ! Pour des jeunes femmes athlétiques, l’index du sablier s’établit à 1,8. Il grimpe à 1,9 pour les mannequins de défilé, à 2 pour les mannequins de vitrine, à 2,1 pour les stars du porno, à 2,2 pour les supermodèles et au chiffre vertigineux de 3,5 pour Barbie.

La mode récente pour les derrières proéminents a conduit à des chiffres impressionnants en termes de silhouette mesurée par l’index du sablier : 2,2 pour Mme Kardashian, 2,3 pour notre représentante australienne Iggy Azalea, 2,4 pour Angelina Jolie, 2,9 pour Nicki Minaj. La mannequin et actrice Coco Austin, à ce qu’on dit, atteindrait 3,0.

Le visage idéal

La science a émis quelques observations intéressantes sur la beauté du visage. Une célèbre étude a demandé à des personnes de noter la beauté des visages féminins. À la fois en Angleterre et au Japon, les différences-clé entre de beaux visages et des visages ordinaires ont été les mêmes : le bas du visage plus arrondi, une courbe de sourcils plus prononcée, de grands yeux et un écart réduit entre la pointe du menton et la lèvre inférieure. Même chose pour la distance entre la lèvre supérieure et le bas du nez.

La symétrie du visage compte aussi : les hommes, les femmes et les enfants préfèrent des visages plus symétriques. Les hommes ayant ce type de visage déclarent avoir eu plus de partenaires sexuels et des couples dotés de la même caractéristique font état de davantage d’orgasmes. L’asymétrie faciale augmente avec l’âge.

L’une des raisons possibles ? La symétrie serait peut-être le signe de la capacité du corps à résister aux infections et aux blessures, constituant donc une « honnête publicité » pour un bon matériel génétique. Hélas, quand nous avons mesuré la symétrie faciale dans notre laboratoire, j’avais le visage le moins asymétrique de nous tous. Au moins, ma femme peut-elle être rassurée quant à ma fidélité.

La beauté des mâles

Mais assez parlé de seins et de derrières, qu’en est-il des garçons ? Les mâles souffrent eux aussi : 30 % des jeunes Finlandais se déclarent profondément insatisfaits de leur musculature et 12 % d’entre eux utilisent des compléments alimentaires ou des stéroïdes.

La séduction masculine, aux yeux à la fois des hommes et des femmes, se définit par la forme d’un corps triangulaire : un torse large, des hanches étroites, un ratio élevé torse/taille. Les mannequins masculins des vitrines ne sont pas spécialement musclés, en fait, ils sont plutôt minces, mais anormalement grands (à peu près 1 m 87) avec des épaules larges et des hanches minces. Ce qui plaît aux hommes – mais moins aux femmes –, c’est une musculature impressionnante. La taille moyenne des biceps de G.I. Joe a plus que doublé entre 1965 et 1995.

Pourquoi est-ce cela, l’idéal ?

Alors, pourquoi sommes-nous attirés par la minceur et les formes accentuées ? La discussion se trouve en première ligne des batailles culturelles. Les théoriciens de la culture soutiennent que la beauté est socialement construite (qu’est-ce qui ne l’est pas, de nos jours ?) et qu’elle se trouve soumise à un relativisme culturel, au même titre que les préférences en matière de mode ou de nourriture. À l’appui de leur thèse, ces théoriciens rappellent que nos préférences en ce domaine ont connu des hauts et des bas au fil de l’histoire, allant des fossettes voluptueuses des Rubens jusqu’à la silhouette brindille de Twiggy.

L’évolution du corps idéal féminin.

Nous sommes conditionnés, disent ces mêmes théoriciens par les modèles qui nous entourent. Et la rotation permanente de l’image du corps dans l’histoire s’effectue de telle façon qu’elle nous laisse perpétuellement insatisfaits, ce qui arrange bien les industries de la mode et du fitness. Les relativistes, pour leur part, prétendent que nous pourrions idolâtrer une boîte en carton si Rupert Murdoch s’y employait.

Les sociobiologistes, de leur côté, affirment que la minceur, la plénitude des formes et la symétrie sont des marques de jeunesse et de fécondité – la disponibilité des femmes pour enfanter ainsi que la virilité et la puissance des hommes – et que nous sommes programmés pour trouver ces traits attractifs.

Les formes idéales des corps féminins et masculins ne font qu’accentuer les caractéristiques sexuelles stéréotypées : pour les femmes, des seins volumineux, des arrière-trains qui ne le sont pas moins, et des tailles fines ; pour les hommes, des torses larges et des biceps développés. Il y a eu des sociétés qui penchaient pour les formes opulentes, d’autres pour la minceur, mais il n’y en a jamais eu qui idéalisaient les corps sans formes.The Conversation

Tim Olds, Professor of Health Sciences, University of South Australia

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.