Contraception masculine : la pilule pour homme, bientôt une réalité ?

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Crédits : Ocskaymark/iStock

Pilule contraceptive orale, dispositifs intra-utérins (DIU) à hormones ou en cuivre, implants contraceptifs, injections hormonales, diaphragmes, éponges contraceptives… La charge contraceptive et le contrôle des naissances ont jusqu’à présent principalement reposé sur les femmes (à 80 % en France). Ces dernières devaient en outre faire face aux effets secondaires liés aux contraceptifs féminins (changements d’humeur, prise de poids, diminution de la libido, risque de caillots sanguins et de maladies cardiovasculaires, etc.). Toutefois, la science travaille depuis plusieurs années à l’élaboration d’une contraception masculine fiable qui permettrait ainsi une participation accrue des hommes dans les décisions concernant la planification familiale et une responsabilisation partagée en matière de contraception.

Et justement, une équipe de chercheurs vient tout juste de dévoiler avoir réalisé une avancée significative qui pourrait marquer un tournant significatif dans le domaine de la santé reproductive et des méthodes contraceptives.

Une percée dans la contraception masculine

À l’heure actuelle, les solutions de contraception à destination des hommes sont plutôt limitées et souvent peu connues. Elles incluent principalement le préservatif qui empêche physiquement le sperme de rencontrer l’ovule, mais qui peut craquer et la vasectomie, une intervention chirurgicale qui bloque les canaux déférents. Les méthodes de retrait (coïtus interruptus ou coït interrompu) lors des rapports sexuels et de calendrier sont également parfois utilisées, mais se révèlent beaucoup moins fiables pour contrôler la fertilité et les risques de grossesse.

Enfin, certains ont recours à la contraception par chaleur (notamment le slip chauffant), une technique non invasive qui implique l’application de chaleur aux testicules pour réduire temporairement la production de spermatozoïdes ou encore à l’injection intramusculaire et hebdomadaire de testostérone, plus marginale. Toutefois, les options médicamenteuses orales et sans risques pour la santé du patient se font plus rares sur le marché.

Des contraceptifs non hormonaux

C’est là qu’interviennent les travaux des scientifiques de la Faculté de Médecine Baylor (États-Unis) qui ont mis au point une solution contraceptive non hormonale plutôt prometteuse. « Pour cette étude, nous nous sommes concentrés sur une nouvelle approche en identifiant une petite molécule capable d’inhiber la molécule sérine/thréonine kinase 33 (STK33), une protéine indispensable à la fertilité à la fois chez l’homme et la souris », explique le Dr Martin Matzuk, directeur du Centre de Découverte de Médicaments et président du Département de Pathologie et d’Immunologie de l’université américaine.

De précédentes recherches ont en effet permis d’établir que STK33 est nécessaire à la formation de spermatozoïdes fonctionnels. Chez la souris, l’altérer induit ainsi la stérilité du fait d’un sperme devenu anormal et d’une mauvaise motilité spermatique. Une mutation du gène STK33 chez l’homme produit par ailleurs les mêmes effets. Et surtout, ces mutations ne causent aucun effet indésirable, ne risquant même pas de réduire la taille des testicules. « STK33 est donc considéré comme une cible viable avec un minimum de préoccupations liées à la sûreté dans le cadre d’une utilisation chez l’homme », estime ainsi le Dr Matzuk qui ajoute que des « inhibiteurs de STK33 ont été décrits, mais aucun n’était spécifiquement dédié à STK33 ou assez puissant pour perturber chimiquement son fonctionnement chez des organismes vivants. » L’équipe s’est donc mise à la recherche d’un bon candidat.

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Crédits : TanyaJoy/iStock

Un inhibiteur efficace identifié

Ici, la technologie de chimiothèque codée par ADN (ou DEC-Tec) a grandement facilité le travail de recherche et permis d’identifier des inhibiteurs potentiels parmi plusieurs milliards de composés. Cela n’était toutefois pas suffisant. Les scientifiques ont donc généré des versions modifiées plus stables, efficaces et sélectives. De tous, ce fut finalement le composé CDD-2807 qui réussit à se démarquer. Des tests chez des souris permirent ensuite d’évaluer l’efficacité de plusieurs doses et de posologies différentes en parallèle d’un travail d’évaluation pour déterminer la mobilité des spermatozoïdes, leur nombre, ainsi que leur capacité à féconder des femelles.

Or, les résultats furent ici très prometteurs, et ce, à de petites doses et sans effets nocifs (notamment sans aucune accumulation du composé dans le cerveau). Et surtout, les effets de cet inhibiteur sont pleinement réversibles. En effet, après une période de pause sans prise de CDD-2807, les souris retrouvaient une fertilité tout à fait normale et fonctionnelle.

Les chercheurs doivent à présent évaluer ce composé et d’autres similaires chez des primates avant de pouvoir l’envisager pleinement comme une contraception masculine sûre et efficace. Rappelons toutefois que ce n’est pas la première fois que des chercheurs promettent une pilule pour homme efficace et sans danger (voir ici ou encore sur ce lien) sans que rien de concret n’en ressorte au final. Reste donc à voir si ces recherches aboutiront vraiment à une mise sur le marché et une démocratisation dans un futur proche…

Retrouvez les détails de l’étude ici.