Gorille mâle à dos argenté gorilles primates
Crédits : Edwin_Butter/iStock

Infertilité masculine : des gènes chez les gorilles portent peut-être la solution

Malgré leur taille, leur corps massif et leurs gros poings qui s’abattent de manière impressionnante sur leur poitrine musclée, les gorilles ne brillent pas pour la taille de leur pénis ou de leurs testicules (les plus petites en comparaison de tous les primates) ni pour la qualité de leur sperme, produit en faible quantité avec des spermatozoïdes lents et peu doués pour s’unir aux gamètes des femelles. Il se pourrait ainsi bien que leur système reproductif soit l’un des moins efficaces chez les mammifères. Or, ces caractéristiques surprenantes pourraient permettre de mieux comprendre l’origine de l’infertilité chez les hommes.

En effet, en étudiant les mystères entourant la biologie reproductive complexe chez ces animaux avec lesquels on partage un ancêtre commun et plus de 98 % d’ADN, des chercheurs espèrent lever le voile sur les facteurs qui influencent la production de sperme et la motilité des spermatozoïdes dans notre propre espèce. C’est en tout cas sur ce thème que travaille l’équipe de l’Université d’État de New York à Buffalo (États-Unis) qui livre ses premières conclusions dans sa publication du 9 mai 2024 dans eLife.

La fécondité chez les gorilles

Comme l’expose Vincent Lynch, le principal auteur de l’étude, docteur et professeur agrégé en sciences biologiques dans l’université new-yorkaise : « il y a deux manières de se disputer des partenaires sexuels : vous pouvez utiliser soit votre corps, soit votre sperme. La plupart des mammifères utilisent une combinaison des deux, mais les gorilles n’utilisent que leur corps. »

Cela peut ici notamment s’expliquer par leur polygynie (le fait qu’ils ont plusieurs femelles reproductrices). Grâce à sa domination et son corps massif, le mâle dominant de la troupe a en effet un accès exclusif aux femelles. Ce manque de compétition spermatique a alors donné lieu à un compromis évolutif : si cet animal n’a pas un sperme de qualité, il bénéficie en revanche d’une domination physique implacable.

Gorille mâle à dos argenté gorilles primates
Crédits : Edwin_Butter/iStock

Les gènes qui rendent le sexe du gorille petit sont les mêmes que ceux à l’origine de l’infertilité masculine

En étudiant les traits reproductifs propres au gorille, les chercheurs ont réussi à identifier les gènes qui en étaient à l’origine. Ils ont plus précisément découvert 109 gènes dont la mutation impacte négativement le système reproducteur de ces animaux, notamment en les dotant de petits testicules ou d’une asthénozoospermie (diminution ou une absence de mobilité spermatique). Or, l’équipe de recherche a été intriguée lorsqu’elle s’est rendu compte que ces mêmes gènes étaient également retrouvés chez les hommes infertiles.

« Nous avons une série de gènes qui sont impliqués dans la biologie spermatique et nous avons les signatures de mutations nuisibles chez les gorilles. Nous pouvons ensuite regarder ces mêmes gènes chez les hommes infertiles et vérifier s’ils ont ces mutations », explique le Dr Vincent Lynch. Cela pourrait simplifier les choses pour de nombreux couples qui ont du mal à concevoir un enfant lorsque les causes génétiques à l’œuvre ne sont pas claires. « Au lieu de regarder tous les gènes de l’homme à la recherche de mutations rares, vous pouvez vous concentrer uniquement les gènes à l’origine d’une biologie spermatique anormale chez son homologue gorille », ajoute Jacob Bowman, un coauteur de l’étude et chercheur postdoctoral. Cela permet ainsi de révéler les gènes impliqués dans la fertilité masculine.

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Crédits : Oleksandr Todorov/iStock

L’espoir de nouvelles pistes pour traiter les problèmes de fertilité

Bien que ces recherches n’en soient qu’à leurs prémices, elles pourraient à plus long terme permettre de mieux comprendre et faire face aux problèmes d’infertilité chez l’homme. En identifiant des mutations génétiques associées à l’infécondité, cela pourrait permettre aux chercheurs de mettre au point des traitements thérapeutiques ciblés.

« Il y a quelques années de cela, il n’y avait pas suffisamment de génomes séquencés et de puissance de calcul pour mener de telles études. À mesure que la science collecte plus de données génétiques, nous aurons une idée plus précise des raisons pour lesquelles l’infertilité se produit », se réjouit le Dr Vincent Lynch. Cette étude démontre ainsi non seulement le pouvoir de la recherche, mais aussi le lien fort et souvent oublié entre les espèces.

Vous pouvez retrouver les détails de l’étude ici.

Julie Durand

Rédigé par Julie Durand

Autrefois enseignante, j'aime toujours autant partager mes connaissances et mes passions avec les autres. Je suis notamment passionnée par la nature et les technologies, mais aussi intriguée par les mystères nichés dans notre Univers. Ce sont donc des thèmes que j'ai plaisir à explorer sur Sciencepost à travers les articles que je rédige, mais aussi ceux que je corrige.