Vers une meilleure compréhension des nuages de l’hémisphère sud

Crédits : NASA.

Une campagne de mesure visant à mieux comprendre le fonctionnement des nuages de l’hémisphère sud a pris place entre 2018 et 2021 à la pointe sud du Chili. Les résultats récemment publiés dans la revue Atmospheric Chemistry and Physics devraient permettre d’améliorer la représentation du bilan énergétique de cet hémisphère dans les modèles climatiques.

Les nuages de l’hémisphère sud possèdent un contenu en eau liquide plus élevé que ceux de l’hémisphère nord et tendent ainsi à réfléchir une plus grande quantité de rayonnement solaire vers l’espace. D’un autre côté, les modèles de climat sont connus pour surestimer la fraction de nuages de glace au-dessus de l’océan Austral. Par conséquent, ils ne reproduisent pas de façon précise le bilan radiatif de l’hémisphère sud.

Une campagne de recherche pour mieux comprendre les nuages austraux

Afin d’améliorer les modèles et les projections climatiques, un groupe de chercheurs a effectué des observations ciblées au sud du Chili et les a mis en perspective avec de précédentes mesures opérées à Leipzig (Allemagne) et Limassol (Chypre). Les lidars et autres instruments installés à Punta Arenas (Chili) ont fonctionné pendant les trois ans qu’a duré la campagne de recherche, de 2018 à 2021. Il s’agit de la plus longue série-type jamais obtenue dans l’hémisphère sud.

Rappelons que les interactions entre les nuages, les aérosols et les vents restent encore assez mal comprises dans ce domaine peu pollué. Toutefois, on sait que le faible contenu de l’atmosphère en poussières explique en partie pourquoi la quantité d’eau liquide des nuages est si élevée. En effet, pour se former, les cristaux de glace ont besoin de particules microscopiques appelées noyaux glaciogènes. Si ces derniers font défaut, les gouttelettes d’eau peuvent rester liquides jusqu’à des températures de -30 °C à -40 °C.

nuages
Fraction de particules de glace (axe vertical) par rapport à la température du sommet des nuages (axe horizontal) pour Leipzig (vert), Limassol (orange) et Punta (bleu). Notez la moindre concentration pour les nuages de l’hémisphère sud (bleu). Crédits : Martin Radenz & coll. 2021.

Les mesures à Punta Arenas ont montré que les nuages contenaient entre 10 % et 40 % de glace en moins par rapport à ceux observés en Allemagne ou à Chypre. Or, cette différence de composition influence fortement la quantité de rayonnement solaire réfléchie vers l’espace et l’émission de rayonnement infrarouge par la Terre, contribuant à un bilan radiatif différencié entre les deux hémisphères.

Une influence des ondes de gravité qui reste à éclaircir

Les observations ont également révélé que les aérosols n’étaient pas le facteur dominant aux températures inférieures à -25 °C. En effet, l’influence des ondes de gravité générées par le passage du vent au-dessus des reliefs devient alors prépondérante.

« En mesurant les vents ascendants et descendants dans les nuages, nous avons pu détecter ceux qui avaient été influencés par ces ondes et les filtrer des statistiques », développe Martin Radenz, auteur principal de l’étude. « Cela nous a permis de montrer que ces ondes de gravité, et non le manque de noyaux glaciogènes, sont responsables de l’excès de gouttelettes nuageuses à des températures inférieures à -25 °C ». Le scientifique explique néanmoins qu’il reste à savoir si ces ondes et leurs impacts sont une particularité du domaine chilien ou si elles s’étendent à l’échelle de l’hémisphère sud.

« Dans un avenir proche, nous prévoyons de travailler avec nos partenaires pour étudier ces questions dans d’autres endroits de l’hémisphère sud, comme l’Antarctique et la Nouvelle-Zélande, et idéalement aussi à bord de navires de recherche, parce que ces observations ne sont pas possibles depuis l’espace pour le moment », précise Martin Radenz.