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Même après le traitement, les cellules cancéreuses dormantes peuvent persister dans différents organes du corps. Crédit image : Khuloud T. Al-Jamal et Izzat Suffian via Wellcome Collection

Comment un simple rhume peut réveiller votre cancer des années après la guérison

Une simple grippe ou une infection COVID pourrait transformer des survivants du cancer en patients à nouveau menacés. C’est la conclusion choc d’une étude internationale qui vient de révéler un mécanisme invisible et redoutable : les virus respiratoires peuvent réveiller des cellules cancéreuses endormies depuis des années dans nos poumons. Cette découverte, publiée dans la prestigieuse revue Nature, remet en question notre compréhension de la rémission cancéreuse et pourrait sauver des milliers de vies.

Le mythe de la guérison définitive s’effondre

Pendant des décennies, la médecine oncologique a entretenu l’espoir qu’une rémission de cinq ans équivalait pratiquement à une guérison. Pourtant, la réalité biologique s’avère bien plus complexe et inquiétante. Même après les traitements les plus agressifs, quelques cellules cancéreuses parviennent parfois à échapper à la destruction et se réfugient dans différents organes, particulièrement les poumons.

Ces « cellules dormantes » restent en sommeil, invisibles aux examens de routine et aux défenses immunitaires. Elles constituent une menace silencieuse, comme des mines antipersonnel disséminées dans un champ de bataille apparemment pacifié. La question cruciale n’était plus de savoir si elles existaient, mais ce qui pouvait les réveiller.

Les chercheurs soupçonnaient depuis longtemps que certains facteurs environnementaux pouvaient déclencher leur réactivation. Stress chronique, traumatismes physiques, déséquilibres hormonaux : plusieurs pistes avaient été explorées sans résultats concluants. Mais personne n’avait envisagé que les infections virales les plus communes puissent jouer ce rôle de détonateur.

Quand les virus deviennent complices du cancer

L’équipe internationale dirigée par le Dr James DeGregori a développé une métaphore saisissante pour expliquer ce phénomène : « Les cellules cancéreuses dormantes sont comme les braises laissées dans un feu de camp abandonné, et les virus respiratoires sont comme un vent fort qui rallume les flammes. »

Cette analogie prend tout son sens quand on comprend le mécanisme sous-jacent. Lorsqu’un virus de la grippe ou le SARS-CoV-2 envahit les voies respiratoires, notre système immunitaire déclenche une réponse inflammatoire massive. Cette inflammation, normalement protectrice, produit des quantités importantes d’une protéine appelée interleukine-6 (IL-6).

Paradoxalement, cette même molécule qui nous défend contre l’infection devient le signal de réveil des cellules cancéreuses endormies. L’IL-6 les stimule, les nourrit et les encourage à reprendre leur multiplication anarchique. En quelques semaines seulement, des métastases peuvent apparaître là où régnait apparemment la paix cellulaire.

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Crédits : Jovanmandic / iStock

Des preuves accablantes à travers le monde

Pour valider cette théorie révolutionnaire, les chercheurs ont mené une double approche expérimentale d’une rigueur exemplaire. D’abord, ils ont testé leur hypothèse sur des modèles murins porteurs de cellules dormantes de cancer du sein dans les poumons. L’exposition à la grippe A ou au SARS-CoV-2 a systématiquement déclenché la formation de lésions cancéreuses en seulement deux semaines.

Mais la véritable révélation vient des données humaines. L’analyse de la gigantesque base de données britannique UK Biobank révèle des chiffres glaçants : la COVID-19 double presque le risque de décès par cancer chez les patients en rémission depuis plus de cinq ans. Cette corrélation reste significative même après avoir écarté les décès directement imputables au virus.

La base de données américaine Flatiron Health confirme cette tendance avec une précision chirurgicale : les survivantes d’un cancer du sein ayant contracté la COVID-19 présentent un risque accru de 50% de développer des métastases pulmonaires au cours des années suivantes.

Une révolution thérapeutique en marche

Cette découverte ouvre des perspectives thérapeutiques inédites. Si l’IL-6 constitue le maillon faible de cette chaîne fatale, elle devient également une cible thérapeutique de choix. Des médicaments capables de bloquer cette protéine existent déjà et pourraient être repositionnés pour protéger les survivants du cancer lors d’infections respiratoires.

Plus immédiatement, cette recherche révolutionne l’approche préventive. La vaccination contre la COVID-19 et la grippe prend une dimension nouvelle pour les anciens patients cancéreux. En réduisant la sévérité des infections, les vaccins diminuent l’inflammation et, par ricochet, le risque de réactivation cancéreuse.

Le professeur Carsten Watzel, immunologiste indépendant, résume parfaitement l’enjeu : « La vaccination réduit significativement le risque de maladie grave et donc de réaction inflammatoire sévère. On pourrait donc s’attendre à ce qu’elle puisse également réduire l’effet sur la formation de métastases. »

Un nouvel horizon pour la surveillance médicale

Cette découverte pourrait également transformer la surveillance des patients en rémission. Faut-il désormais tester systématiquement les survivants du cancer pendant les saisons virales pour détecter une éventuelle réactivation cellulaire ? Cette question, soulevée par les chercheurs eux-mêmes, illustre l’ampleur des bouleversements à venir dans la pratique oncologique.

Alors que l’hiver approche dans l’hémisphère nord, cette recherche prend une résonance particulière. Comme le souligne le Dr DeGregori : « Les infections virales respiratoires font partie intégrante de nos vies, il est donc essentiel d’en comprendre les conséquences à long terme. » Une vérité qui pourrait sauver d’innombrables vies.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.