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Illustration d'artiste de deux vaisseaux spatiaux amarrés ventre à ventre en orbite. Crédits : SpaceX

Comment SpaceX va ravitailler ses vaisseaux spatiaux en orbite

Dans le domaine de l’exploration spatiale, chaque avancée technologique ouvre de nouvelles perspectives sur les limites de ce que nous pouvons accomplir. Dans cette quête sans fin pour étendre notre présence au-delà de notre planète, SpaceX se positionne à l’avant-garde avec un projet ambitieux : relier deux vaisseaux spatiaux en orbite pour une démonstration de ravitaillement en carburant, une étape cruciale qui pourrait bien mettre la Lune à notre portée.

Pourquoi ravitailler un vaisseau en orbite ?

Depuis plusieurs années, SpaceX travaille en partenariat avec la NASA dans le cadre du programme Artemis qui vise à ramener des humains sur la surface lunaire pour la première fois depuis 1972. Avec un contrat pour fournir deux vaisseaux spatiaux à capacité humaine pour les deux premiers atterrissages d’astronautes sur la Lune, SpaceX se présente ainsi à l’avant-garde de l’exploration lunaire.

L’une des clés de ce projet réside dans la capacité des vaisseaux Starship à se ravitailler en carburant dans l’espace. Cette approche est motivée par plusieurs facteurs. Premièrement, cela permet de réduire la masse du véhicule au décollage, et donc de faciliter son ascension hors de l’atmosphère terrestre. Une fois en orbite, les vaisseaux pourront être ravitaillés en carburant supplémentaire, ce qui augmentera ainsi leur autonomie et leur capacité à effectuer des missions plus longues ou plus lointaines, comme viser la Lune.

À terme, une capacité de ravitaillement en orbite permettra également une plus grande flexibilité dans la planification des missions. En prévoyant des points de ravitaillement dans l’espace, les vaisseaux spatiaux pourront en effet être rechargés en carburant en cours de route, leur permettant d’ajuster leur trajectoire ou leur destination en fonction des besoins de la mission.

À plus long terme, il pourrait aussi être possible d’extraire et de raffiner des ressources présentes sur la Lune, Mars ou d’autres corps célestes pour produire du carburant sur place, ce qui réduirait ainsi la dépendance à l’égard des approvisionnements terrestres et ouvrirait la voie à une exploration spatiale plus durable et autonome.

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Un test de transfert de propulseurs entre les réservoirs du Starship lors de son vol d’essai de mars a été un succès, selon la NASA. Crédits : SpaceX

Une première démonstration l’année prochaine

Naturellement, transférer du carburant en orbite représente un défi technologique de taille. Les ingénieurs doivent en effet concevoir des systèmes fiables capables de stocker, de transférer et de gérer les carburants cryogéniques dans des conditions extrêmes, tout en garantissant la sécurité des opérations spatiales.

De plus, le succès du ravitaillement en orbite dépend également de la précision et de la fiabilité des manœuvres d’approche et d’amarrage entre les vaisseaux spatiaux. Ces opérations doivent être exécutées de manière autonome et synchronisée sans intervention humaine directe, ce qui nécessite des systèmes de navigation et de contrôle sophistiqués. Jamais une telle opération n’a encore été tentée, ce qui souligne l’audace et l’ambition des projets spatiaux actuels de SpaceX qui a bien compris que son importance capitale pour l’avenir de l’exploration spatiale.

Nous savons que la NASA et SpaceX avancent dans leurs efforts pour démontrer l’efficacité de la technologie de ravitaillement en carburant du Starship dans le but de préparer le retour des humains sur la Lune. Amit Kshatriya, le responsable du programme « Moon to Mars » au sein de la division d’exploration de la NASA, a récemment présenté le plan de SpaceX lors d’une réunion avec un comité du conseil consultatif de l’agence. La société devrait tenter sa première démonstration d’un transfert de propulseur à grande échelle entre deux vaisseaux en orbite l’année prochaine.

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SpaceX a lancé son troisième vol d’essai Starship/Super Heavy le 14 mars. Crédits : SpaceX

Comprendre le comportement des propulseurs

Avant de parvenir au ravitaillement en orbite, les ingénieurs devront comprendre comment les fluides se comportent dans l’espace, en particulier en microgravité. Pour ce faire, ils utiliseront les prochains vols pour étudier le mouvement des propulseurs à l’intérieur du vaisseau et observer la pression des réservoirs. Ces observations seront notamment essentielles pour comprendre comment les fluides réagissent aux impulsions des petits propulseurs. Et pour cause, en microgravité, ces derniers fourniront une poussée de stabilisation nécessaire pour orienter correctement le liquide vers la sortie, ce qui facilitera ainsi le processus de ravitaillement en carburant.

Les ingénieurs surveilleront également les taux d’évaporation du méthane et de l’oxygène liquide dans l’espace. Au fil du temps, les liquides cryogéniques passent en effet à l’état gazeux sans isolation ni autre mesure pour empêcher l’évaporation.

Une cible et un chasseur

Pour la première démonstration de ravitaillement à grande échelle, SpaceX devra lancer deux vaisseaux spatiaux à environ trois ou quatre semaines d’intervalle. Le premier sera un véhicule cible. Ce vaisseau disposera d’un système d’alimentation augmenté et d’une plus grande capacité de batterie pour rester dans l’espace suffisamment longtemps pour le lancement du véhicule de chasse, un vaisseau spatial qui jouera le rôle d’un ravitailleur. Les deux vaisseaux impliqués dans la démonstration de ravitaillement seront également dotés d’une isolation thermique et d’une gaine sous vide autour de leur plomberie interne pour limiter l’évaporation.

Selon Kshatriya, le plan actuel est que SpaceX utilise une seule rampe de lancement pour ces deux vols. Notez cependant qu’au moment où la NASA et SpaceX seront prêts pour un atterrissage sur la Lune, plusieurs pétroliers Starship décolleront d’au moins deux rampes de lancement pour regrouper les propulseurs dans un dépôt afin d’approvisionner le vaisseau spatial à destination de la Lune.

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Crédits : SpaceX

Ventre à ventre

Les deux vaisseaux spatiaux se relieront de manière autonome, ventre à ventre, alors qu’ils voleront à quelques centaines de kilomètres au-dessus de la planète. Lors des futures missions Starship qui cibleront des destinations dans l’espace lointain comme la Lune, cette manœuvre d’amarrage et ce processus de ravitaillement seront répétés plusieurs fois pour donner au véhicule suffisamment d’essence pour qu’il puisse se propulser hors de l’orbite terrestre.

Naturellement, amarrer deux vaisseaux ensemble ne sera pas simple. Si SpaceX pourra s’appuyer sur son expérience dans le vol de capsules Dragon vers la Station Spatiale internationale, notez que les pétroliers seront toujours chargés de propulseur. Or, chaque manœuvre visant à rapprocher les deux vaisseaux pourrait provoquer des ballottements à l’intérieur des réservoirs. Cela pourrait introduire des forces imprévues dont le système de navigation devra tenir compte lors du rendez-vous.

Une fois les deux vaisseaux réunis, ils se connecteront en utilisant les mêmes ports que SpaceX utilise pour charger les propulseurs sur la rampe de lancement. Ensuite, SpaceX affinera la pression des réservoirs et tirera des propulseurs de stabilisation. À ce stade, les vannes pourront alors s’ouvrir. Les propulseurs circuleront d’un véhicule à l’autre en utilisant une différence de pression, ou « delta », entre le réservoir donneur et le réservoir receveur. C’est une solution plus simple que de compter sur des pompes.

Les résultats de cette démonstration de ravitaillement permettront aux ingénieurs de SpaceX et de la NASA de savoir quelle quantité de propulseur sera perdue par ébullition afin de savoir combien de ravitailleurs ils doivent lancer pour une mission d’atterrissage lunaire de Starship. L’estimation actuelle de SpaceX est d’environ dix lancements de ravitaillement pour une mission d’atterrissage Artemis, mais les marges d’erreur sont encore importantes.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.