Imaginez un ordinateur capable de résoudre en quelques secondes des problèmes que les machines actuelles mettraient des années à traiter. C’est la promesse de l’informatique quantique. Mais pour y parvenir, il faut surmonter un défi de taille : maintenir les qubits, les éléments fondamentaux de ces ordinateurs, à des températures extrêmes proches du zéro absolu. Récemment, une équipe de chercheurs a franchi une étape majeure en refroidissant des qubits à la température la plus basse jamais enregistrée, ce qui ouvre la voie à des ordinateurs quantiques plus rapides et plus fiables.
Pourquoi refroidir les qubits est-il crucial ?
Les qubits (ou bits quantiques) sont l’équivalent quantique des bits classiques que l’on retrouve dans nos ordinateurs. Contrairement aux bits traditionnels qui peuvent être soit à 0 soit à 1, les qubits peuvent être dans une superposition des deux états en même temps. Cette propriété unique permet aux ordinateurs quantiques de traiter des informations à une vitesse inégalée.
Cependant, cette puissance a un prix. Les qubits sont extrêmement sensibles aux perturbations extérieures, comme les fluctuations de température ou les champs électromagnétiques. La moindre perturbation peut provoquer la perte de leur état quantique, un phénomène appelé décohérence. Pour minimiser ce risque, les qubits doivent être refroidis à des températures extrêmement basses, proches du zéro absolu (−273,15 °C), où les vibrations atomiques sont presque inexistantes.
Actuellement, les qubits sont principalement refroidis à l’aide de réfrigérateurs à dilution, qui utilisent des gaz d’hélium pour abaisser la température jusqu’à environ 50 millikelvins (mK), soit –273,1 °C. Bien que très efficaces, ces systèmes sont toutefois très lourds, coûteux et difficiles à mettre à l’échelle pour des ordinateurs quantiques plus puissants. De plus, ils n’atteignent pas toujours les températures nécessaires pour garantir une stabilité optimale des qubits.
Une percée technologique : le réfrigérateur quantique autonome
Dans une étude publiée le 9 janvier dans Nature Physics, des chercheurs de l’Université de technologie Chalmers en Suède ont présenté un réfrigérateur quantique autonome capable de refroidir un qubit à seulement 22 millikelvins (–273,13 °C). C’est la température la plus basse jamais atteinte pour des qubits, ce qui franchit ainsi une nouvelle frontière dans le domaine.
Contrairement aux réfrigérateurs à dilution traditionnels, ce nouveau système n’utilise pas de gaz rare ni de mécanismes complexes. Il exploite des bains thermiques de rayonnement micro-ondes pour canaliser l’énergie et refroidir les qubits. Plus impressionnant encore : il est autonome. Une fois démarré, il ne nécessite aucun contrôle externe. « Cela ouvre la voie à des calculs quantiques plus fiables et sans erreur qui n’ont pas besoin de matériels supplémentaires complexes« , explique Aamir Ali, spécialiste en technologie quantique et auteur principal de l’étude.

Une amélioration significative des performances
Le refroidissement plus efficace des qubits augmente leur stabilité et réduit les erreurs de calcul. Les chercheurs ont constaté que la probabilité qu’un qubit reste dans son état fondamental (son état d’énergie le plus bas) avant un calcul est passée de 99,8 % à 99,97 %.
À première vue, cette différence peut sembler minime. Néanmoins, dans le contexte de l’informatique quantique, où des millions de calculs sont effectués en parallèle, cette amélioration se traduit par une fiabilité accrue et des performances générales bien supérieures. « Cela peut sembler une petite différence, mais lorsque l’on effectue plusieurs calculs, cela se traduit par une amélioration majeure des performances des ordinateurs quantiques« , ajoute Ali.
Vers des ordinateurs quantiques plus rapides et fiables
Cette avancée pourrait avoir des répercussions majeures sur l’avenir de l’informatique quantique. Des qubits plus froids et plus stables signifient des ordinateurs capables de résoudre des problèmes d’une complexité inégalée, et ce, dans des domaines variés.
En cryptographie par exemple, des algorithmes quantiques plus efficaces pourraient renforcer la sécurité des données, ce qui rendrait les systèmes de communication quasiment inviolables. Dans le domaine de la médecine, les ordinateurs quantiques pourraient accélérer la modélisation des interactions moléculaires, ce qui faciliterait ainsi le développement de nouveaux médicaments. Enfin, en matière d’optimisation, ces machines pourraient résoudre des problèmes complexes liés à la logistique, la finance ou encore la gestion des réseaux de transport en trouvant des solutions optimales en un temps record.
De plus, la simplicité et l’autonomie de ce nouveau réfrigérateur quantique pourraient considérablement faciliter la mise à l’échelle des ordinateurs quantiques. Cet aspect est crucial, car la capacité à augmenter le nombre de qubits sans complexifier l’infrastructure matérielle est l’un des principaux obstacles à l’adoption commerciale de l’informatique quantique.
