Il y a 66 millions d’années, un astéroïde de dix kilomètres de diamètre frappait la Terre et déclencha alors une extinction de masse qui mit fin au règne des dinosaures. Pourtant, parmi les rares survivants figuraient les ancêtres des oiseaux modernes. Comment ces animaux ont-ils réussi à traverser une catastrophe d’une telle ampleur ? Une scène du documentaire Life On Our Planet, diffusée sur Netflix, suggère que certains oiseaux ont survécu grâce à l’éclosion d’œufs pondus avant l’impact. Cependant, cette hypothèse, bien que spectaculaire, est largement remise en question par les scientifiques. Mais alors, comment les oiseaux ont-ils vraiment survécu à la mort des autres dinosaures ?
L’hypothèse des œufs survivants : une idée séduisante, mais improbable
Le documentaire Life On Our Planet propose une scène captivante où des oiseaux, éclos d’œufs pondus avant l’impact de l’astéroïde, survivent dans un monde dévasté. Cette image, bien que visuellement frappante et émouvante, est largement contestée par les scientifiques. En effet, cette hypothèse repose sur une vision simplifiée et peu réaliste des conditions de survie des oiseaux à la fin du Crétacé. Pour comprendre pourquoi cette idée est improbable, examinons les comportements des oiseaux modernes, les effets dévastateurs de l’impact de l’astéroïde et les preuves scientifiques disponibles.
Selon Dr Melanie During, paléontologue à l’Université d’Uppsala, les œufs exposés aux radiations infrarouges de l’impact n’auraient probablement pas survécu. L’impact de l’astéroïde aurait en effet généré une vague de chaleur intense capable de carboniser tout ce qui se trouvait à la surface. Les œufs, même enterrés ou partiellement protégés, auraient été vulnérables à ces radiations.
Par ailleurs, la majorité des oiseaux modernes, comme leurs ancêtres probablement, dépendent fortement des soins parentaux pour éclore et se développer. Les œufs doivent en effet être couvés pour maintenir une température constante, tandis que les oisillons, souvent aveugles et sans plumes, nécessitent souvent une protection et une alimentation prolongées après l’éclosion. Par exemple, chez de nombreuses espèces, les parents se relaient pour couver les œufs et nourrir les petits une fois éclos. Ces besoins rendent peu plausible l’idée que des oisillons auraient pu survivre seuls dans un environnement post-apocalyptique.
En réalité, les scientifiques identifient trois facteurs clés ayant permis à certains oiseaux de survivre à l’extinction : leur petite taille, leur habitat protégé et leur régime alimentaire.

La petite taille : un avantage crucial pour survivre
La petite taille des oiseaux et de certains dinosaures théropodes a joué un rôle déterminant dans leur survie après l’extinction du Crétacé-Paléogène. Contrairement aux dinosaures géants, ces animaux de petite taille avaient une plus grande capacité à se cacher et à trouver des abris contre les conditions extrêmes provoquées par l’impact de l’astéroïde. Les petits animaux, en général, peuvent se réfugier dans des espaces restreints, comme des crevasses rocheuses, des terriers ou sous des débris végétaux, ce qui leur offre une protection contre les menaces extérieures.
Lors de l’impact, la vague de chaleur intense et les radiations mortelles ont incinéré tout ce qui se trouvait à la surface. Les espèces de grande taille, comme les tyrannosaures ou les tricératops, étaient trop exposées pour échapper à ces effets dévastateurs. En revanche, grâce à leur taille réduite, les petits dinosaures-oiseaux ont pu se cacher dans des endroits protégés, échappant ainsi à la chaleur et aux radiations. Cette capacité à se réfugier dans des abris naturels a été un avantage majeur, permettant à certains de survivre à la phase la plus critique de la catastrophe.
De plus, la petite taille implique souvent des besoins énergétiques moindres, ce qui a pu aider ces animaux à survivre dans un environnement où la nourriture était rare. Alors que les grands dinosaures dépendaient de vastes quantités de ressources pour subsister, les petits dinosaures-oiseaux pouvaient se contenter de peu, ce qui augmentait ainsi leurs chances de survie pendant les années difficiles qui ont suivi l’impact.
L’habitat protégé : l’hémisphère sud comme refuge
L’habitat des oiseaux a joué un rôle essentiel. Ceux situés dans l’hémisphère sud notamment, plus éloignés du site d’impact dans la péninsule du Yucatán, auraient été moins exposés aux effets immédiats de la catastrophe. La distance géographique aurait atténué l’intensité de la vague de chaleur et des radiations et offert à ces oiseaux un environnement relativement plus sûr. Alors que les régions proches de l’impact ont subi des températures extrêmes et une destruction massive, les zones plus éloignées auraient été épargnées par les pires effets, ce qui a permis à certaines espèces de survivre.
De plus, l’impact s’est produit à l’automne dans l’hémisphère sud, une période où certains animaux pouvaient être en torpeur, un état proche de l’hibernation. Cet état de léthargie temporaire, caractérisé par une réduction du métabolisme et des besoins énergétiques, aurait alors permis à certains oiseaux de survivre aux conditions extrêmes. En entrant en torpeur, ces animaux auraient pu économiser de l’énergie et réduire leur besoin en nourriture, un avantage crucial dans un environnement où les ressources étaient rares.
L’importance du régime alimentaire
Le régime alimentaire des oiseaux aurait été le troisième facteur clé de leur survie. Les oiseaux granivores (qui se nourrissaient principalement de graines) possédaient notamment un avantage significatif par rapport aux espèces qui dépendaient de plantes fraîches ou de proies animales. Contrairement aux végétaux ou aux animaux tués par la catastrophe qui se décomposaient rapidement, les graines peuvent en effet rester intactes pendant des années, voire des décennies, offrant une source de nourriture durable même dans un environnement dévasté. Cette ressource stable aurait alors permis aux oiseaux granivores de subsister pendant les années d’obscurité et de pénurie qui ont suivi l’impact.
Une étude menée par le Dr Derek Larson et son équipe étaye cette hypothèse. En analysant les fossiles de petits dinosaures théropodes et d’oiseaux de la fin du Crétacé, les chercheurs ont en effet constaté que les espèces édentées (sans dents) et dotées de becs robustes, capables de broyer des graines, étaient surreprésentées parmi les survivants. En revanche, les maniraptoriens, des dinosaures à plumes de taille similaire, mais dotés de dents pointues adaptées à un régime carnivore ou insectivore, ont disparu.
Cette adaptation alimentaire aurait non seulement permis aux oiseaux granivores de traverser la période critique de l’extinction, mais a également jeté les bases de leur diversification ultérieure. Aujourd’hui, près de 10 000 espèces d’oiseaux peuplent la planète, ce qui témoigne du succès évolutif de cette stratégie alimentaire.