Comment l’isolement social transforme-t-il le cerveau ?

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Crédits : Pixabay / DrCartoon

L’isolement social chronique a des effets qui fragilisent la santé mentale des mammifères, souvent associé, par exemple, à la dépression et au trouble de stress post-traumatique chez les humains. Une récente étude suggère aujourd’hui que cet isolement social provoque l’accumulation d’une substance chimique particulière dans le cerveau, et que le blocage de celle-ci élimine les effets négatifs de l’isolement.

Nous savons déjà que l’isolement social prolongé conduit à un large éventail de changements comportementaux chez la souris. Ceux-ci comprennent une agressivité accrue envers les souris non familières, une peur persistante et une hypersensibilité aux stimuli menaçants. Ces effets sont observés lorsque les souris sont soumises à deux semaines d’isolement social, mais pas à un isolement à court terme (24 heures). Cet élément suggère que les changements observés dans les réactions d’agression et de peur résultent d’un isolement chronique.

Une récente étude menée sur la mouche drosophile avait par ailleurs souligné qu’une tachykinine neurochimique particulière joue un rôle dans l’augmentation de l’agressivité chez les mouches socialement isolées. La tachykinine est un neuropeptide, une molécule de protéine courte libérée de certains neurones lorsqu’ils sont activés. Les neuropeptides se lient à des récepteurs spécifiques sur d’autres neurones, modifiant leurs propriétés physiologiques et influençant ainsi la fonction du circuit neuronal.

Pour déterminer si le rôle de la tachykinine dans le contrôle de l’agressivité induite par l’isolement social pouvait être conservé de façon évolutive des insectes aux mammifères, des chercheurs se sont donc tournés vers les souris. Chez le rongeur, le gène de la tachykinine Tac2 code un neuropeptide appelé neurokinine B (NkB). Tac2/NkB est produit par des neurones dans des régions spécifiques du cerveau de souris, telles que l’amygdale et l’hypothalamus, qui sont impliqués dans le comportement émotionnel et social.

Les chercheurs ont découvert que l’isolement chronique entraîne effectivement une augmentation de l’expression du gène Tac2 et de la production de NkB dans le cerveau. Cependant, l’administration d’un médicament qui bloque chimiquement les récepteurs spécifiques de NkB a permis aux souris stressées de se comporter normalement, éliminant ainsi les effets négatifs de l’isolement social. À l’inverse, l’augmentation artificielle des niveaux de Tac2 et l’activation des neurones correspondants chez les animaux normaux non stressés les ont conduits à se comporter comme des animaux angoissés et isolés.

Les chercheurs ont également inhibé la fonction de Tac2 et de ses récepteurs dans plusieurs régions cérébrales spécifiques. Ils ont observé que la suppression du gène Tac2 dans l’amygdale éliminait les comportements craintifs, mais pas l’agressivité. À l’inverse, la suppression du gène dans l’hypothalamus éliminait l’agressivité, mais pas la peur persistante. « L’approche utilisée ici nous a permis à la fois de comparer les effets de différentes manipulations de signalisation Tac2 dans la même région du cerveau, ainsi que de comparer les effets de la même manipulation à travers différentes régions du cerveau », explique David J. Anderson, l’un des co-auteurs de l’étude. « Ces données nous révèlent aujourd’hui comment ce neuropeptide agit globalement à travers le cerveau pour coordonner diverses réponses comportementales au stress dû à l’isolement social ».

Bien sûr, rien ne dit que ces mêmes résultats pourraient être observés chez les humains, mais cette étude pourrait effectivement permettre aux chercheurs de comprendre comment le stress chronique affecte le cerveau de l’Homme. « Les humains ont un système de signalisation Tac2 analogue, ce qui implique des traductions cliniques possibles de ce travail », explique Moriel Zelikowsky, principale auteure de l’étude. « En ce qui concerne le traitement des troubles de santé mentale, nous ciblons traditionnellement les systèmes de neurotransmetteurs larges comme la sérotonine et la dopamine qui circulent largement dans le cerveau, ce qui peut entraîner des effets secondaires indésirables. un neuropeptide comme Tac2 est une approche prometteuse pour les traitements pour la santé mentale ».

Vous retrouverez tous les détails de cette étude dans la revue Cell.

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