ordinateurs quantiques
Crédits : Peter Hansen/istock

Comment les ordinateurs quantiques pourraient percer les failles de sécurité, guérir le cancer et même réécrire la réalité

Imagine une machine capable de deviner en un instant ce que nos meilleurs supercalculateurs mettent des siècles à estimer. Une machine qui ne pense pas plus vite, mais autrement – qui ne suit pas les règles du jeu, mais les réécrit. Bienvenue dans l’ère des ordinateurs quantiques.

Encore embryonnaire, souvent mal compris, cet objet technologique à peine croyable pourrait déverrouiller des problèmes considérés aujourd’hui comme inabordables. Dans cet article, on explore trois promesses vertigineuses qui entourent cette technologie : casser la cybersécurité, guérir des maladies complexes, et redéfinir notre rapport à la réalité.

Percer les failles de sécurité : la fin du chiffrement classique ?

C’est probablement la menace la plus concrète et la plus proche. Les ordinateurs quantiques, une fois suffisamment puissants, pourraient faire tomber les systèmes de cryptographie qui sécurisent l’essentiel de nos vies numériques : banques, messageries, emails, transactions, données médicales.

Pourquoi ? Parce que l’un des piliers de la cybersécurité moderne, le chiffrement RSA, repose sur un principe simple : il est très facile de multiplier deux grands nombres, mais incroyablement difficile de les factoriser ensuite. Aujourd’hui, même un supercalculateur mettrait des millions d’années à casser une clé RSA de 2048 bits.

Mais un ordinateur quantique, armé de l’algorithme de Shor, pourrait réaliser cette opération en quelques heures, voire minutes, en exploitant la superposition et l’intrication quantique pour explorer toutes les solutions possibles en parallèle.

Autrement dit : la boîte noire devient transparente.

Résultat ? Toute information cryptée avec les standards actuels devient lisible. Des archives chiffrées aujourd’hui – médicales, militaires, diplomatiques – pourraient être déchiffrées demain. D’où la course actuelle au chiffrement post-quantique : des algorithmes conçus pour résister même à cette nouvelle puissance.

Et ce n’est pas de la science-fiction. Des prototypes quantiques fonctionnels existent déjà. IBM, Google, IonQ, PsiQuantum ou encore la start-up française Alice&Bob construisent des machines qui, en quelques années, pourraient atteindre cette « zone de danger ».

Guérir le cancer (et d’autres maladies) : simuler la vie à l’échelle atomique

Aujourd’hui, développer un nouveau médicament prend en moyenne 10 à 15 ans, et coûte plusieurs milliards d’euros. Pourquoi ? Parce que modéliser le comportement d’une molécule dans un corps humain est extraordinairement complexe. Les interactions chimiques, les repliements de protéines, les effets secondaires : tout cela dépend des lois de la mécanique quantique.

Mais nos ordinateurs classiques n’ont pas été conçus pour simuler la mécanique quantique. Ils s’essoufflent très vite dès qu’on dépasse quelques dizaines d’électrons à modéliser.

Un ordinateur quantique, lui, joue dans ce langage natif. Il pourrait simuler avec une précision inédite le comportement d’une molécule dans un environnement biologique, tester des combinaisons de traitements, explorer des millions de scénarios en quelques heures.

Concrètement, cela signifie :

  • Découvrir plus vite de nouvelles molécules actives contre des maladies comme le cancer, Alzheimer ou les maladies rares.

  • Optimiser des traitements personnalisés en simulant leur impact sur un génome ou un microbiote spécifique.

  • Réduire drastiquement le temps et le coût des essais cliniques virtuels.

Des laboratoires comme Roche, AstraZeneca ou Johnson & Johnson collaborent déjà avec les pionniers du quantique pour préparer cette médecine augmentée. Pas dans 30 ans : dans les cinq à dix prochaines années, les premiers bénéfices concrets pourraient apparaître.

Réécrire la réalité : manipuler l’invisible, concevoir des matériaux impossibles

Au-delà de la cryptographie et de la santé, l’informatique quantique promet un accès inédit à la matière elle-même. Elle ouvre la porte à un domaine étrange, fascinant, encore très mal exploré : la simulation de la réalité quantique.

Imaginez pouvoir prédire exactement le comportement d’un nouveau matériau, atome par atome. Concevoir un supraconducteur fonctionnant à température ambiante, un catalyseur ultra-efficace pour capter le CO₂, ou un polymère vivant capable de se réparer lui-même.
Tout cela reste inaccessible aujourd’hui, car nos modèles numériques sont trop simplistes ou trop lents.

Mais avec des ordinateurs quantiques :

  • On pourrait simuler des réactions chimiques ultra complexes, comme la photosynthèse, pour les reproduire artificiellement à grande échelle.

  • On pourrait modéliser des systèmes physiques entiers, des aimants exotiques aux trous noirs analogiques.

  • On pourrait concevoir des matériaux “impossibles”, n’existant nulle part dans la nature, mais conçus électron par électron pour des fonctions précises.

C’est une forme de programmation de la réalité. On ne se contente plus de découvrir : on invente, avec les lois fondamentales de la physique comme boîte à outils.

Et maintenant ?

Les promesses sont immenses. Mais les défis techniques sont colossaux : maintenir la cohérence quantique, corriger les erreurs massives, atteindre l’échelle industrielle, former une main-d’œuvre qualifiée, et surtout éviter que cette puissance ne soit utilisée à mauvais escient.

Mais l’histoire de la technologie nous enseigne une chose : quand une nouvelle puissance de calcul devient accessible, elle est toujours utilisée – d’une façon ou d’une autre.

Alors oui, l’ordinateur quantique pourrait casser les coffres-forts numériques du monde entier.
Mais il pourrait aussi simuler la complexité du vivant, aider à guérir des maladies incurables, concevoir les énergies du futur, et nous offrir un microscope sur l’architecture même de l’univers.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.