Comment l’activité bactérienne augmente la fonte des glaces au Groenland

Crédits : capture vidéo / Sasha Leidman.

Une étude parue dans la revue Geophysical Research Letters appelle à une meilleure prise en compte de l’activité biologique au niveau des rivières d’eau de fonte au Groenland. En effet, des mesures de terrain suggèrent qu’une plus grande activité bactérienne s’associe à une fonte accrue en saison chaude.

Depuis une vingtaine d’années, l’inlandsis groenlandais perd de la masse à un rythme accéléré. Sur la période s’étendant de 2002 à 2019, la calotte a ainsi enregistré une perte nette d’environ 4500 milliards de tonnes de glace. Cette évolution que l’on doit au réchauffement de l’atmosphère et de l’océan contribue de façon significative à la hausse du niveau des mers. Une tendance anticipée et chiffrée dès les années 1970 par les climatologues sur la base de calculs physiques.

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Évolution cumulée de la variation massique de la calotte groenlandaise. Le graphique s’étend d’avril 2002 à octobre 2020. Aussi, notez la période sans donnée entre 2017 et 2018. Elle correspond à la phase de transition entre les deux missions satellites GRACE. En outre, on constate la perte d’environ 4500 milliards de tonnes de glace sur la période. Crédits : NASA.

Fonte des glaces et activité bactérienne, le cas du Groenland

Toutefois, la comparaison entre les observations et les modélisations – toujours plus performantes – laisse penser que ces dernières sous-estiment la rapidité du phénomène. Et par voie de cause à effet, la hausse globale du niveau des océans. Un écart appuyé par des travaux théoriques et qui ne saurait être remis en question par les résultats récemment obtenus par des chercheurs de l’Université Rutgers (New Jersey).

Leur étude indique que l’activité bactérienne augmente l’ampleur de la fonte estivale. En effet, en favorisant l’agglomération des sédiments en particules de plus grosse taille, elle provoque une plus grande accumulation dans les rivières d’eau de fonte. On parle de floculation. Or, comme les sédiments ont une teinte sombre, l’absorption du rayonnement solaire est décuplée. De fait, le pouvoir réfléchissant de l’inlandsis diminue et plus d’énergie se trouve disponible pour faire fondre la glace.

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Une rivière d’eau de fonte au Groenland. Crédits : Wikimedia Commons.

« Nous avons constaté que la seule façon pour les sédiments de s’accumuler dans ces ruisseaux était que les bactéries se développent dans les sédiments, ce qui les amène à s’agglutiner en agrégats faisant 91 fois leur taille d’origine » précise Sasha Leidman, glaciologue et auteur principal de l’étude. « Si les bactéries ne se développaient pas dans les sédiments, ils seraient tous emportés et ces ruisseaux absorberaient beaucoup moins de lumière solaire. Ce processus d’agrégation de sédiments dure depuis plus longtemps que l’histoire humaine ».

Un processus non pris en compte par les modèles de climat

Pour arriver à ces conclusions, les scientifiques ont effectué des mesures de terrain sophistiquées au sud-ouest du Groenland en 2017. Des drones ont entre autres été utilisés. Les données récoltées tendent à montrer que les bactéries prolifèrent plus facilement en climat chaud, impliquant une dynamique de cercle vicieux pour la région. Un processus fin parmi tant d’autres que les modèles climatiques actuels ne prennent pas encore en compte. Cependant, la présente étude permettra d’initier les améliorations nécessaires.

« La diminution de la couverture nuageuse et l’augmentation de la température au Groenland sont susceptibles de provoquer une croissance plus importante de ces bactéries, entraînant une fonte plus marquée via les sédiments » souligne Sasha Leidman. « En incorporant ce processus dans les modèles climatiques, nous serons en mesure de prédire avec plus de précision la quantité de fonte qui se produira. Avec la mise en garde qu’il n’est pas certain de savoir combien de fonte supplémentaire aura lieu par rapport à ce que les modèles climatiques prédisent. Mais ce ne sera probablement pas négligeable ».

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