Comment des pluies situées à des milliers de kilomètres ont aggravé cette vague de chaleur

Crédits : NASA.

La vague de chaleur meurtrière qui a ravagé le nord-ouest de l’Amérique du Nord fin juin 2021, avec près de 50 °C relevés au Canada, aurait pu être encore plus extrême. Par exemple, si les vigoureuses pluies qui se sont déployées sur le Pacifique Nord une semaine plus tôt avaient été plus intenses. Ces résultats peu intuitifs ont récemment été publiés dans la revue scientifique Earth’s Future.

Lorsqu’une masse d’air rencontre une chaîne de montagnes, elle fait face à un dénivelé qui la force à s’élever. À mesure qu’elle gagne en altitude, cette masse d’air se refroidit et perd une partie de son humidité sous forme de pluie ou de neige. Ainsi, la météo sur le versant exposé au vent est perturbée. Une fois le sommet franchit, la masse d’air redescend du côté sous le vent, se comprime et se réchauffe, ce qui dégage le ciel. On parle d’effet de foehn (humide), en référence à un vent régional chaud et sec des Alpes.

La circulation atmosphérique de grande échelle, une analogie avec l’effet de foehn

Quel rapport entre ce phénomène et les vagues de chaleur ? Une implication directe du mécanisme décrit ci-dessus est que plus la quantité d’eau précipitée en amont du relief est importante, plus la hausse de la température en aval sera conséquente. Or, on retrouve une logique analogue dans la circulation atmosphérique de grande échelle, mais sans intervention d’un relief. En effet, les mouvements descendants que l’on retrouve dans les zones anticycloniques sont connectés aux mouvements ascendants des zones dépressionnaires.

Haut : trajectoires horizontales des parcelles d’air constitutives du dôme de chaleur du 15 juin (avant la canicule) au 1 juillet 2021. Bas : idem que précédemment mais pour les trajectoires verticales. Les couleurs permettent de repérer les jours successifs. Crédits : D. L. Schumacher & coll. 2022.

Ainsi, le réchauffement de l’air par compression au niveau des hautes pressions est directement lié à la quantité d’eau précipitée au niveau des basses pressions situées en amont. Une équipe de chercheurs a par exemple mis en exergue ce lien pour la vague de chaleur historique qui a touché le nord-ouest de l’Amérique du Nord de fin juin à début juillet 2021. Une partie de l’anomalie chaude s’explique ainsi par la survenue de pluies anormalement abondantes plusieurs milliers de kilomètres à l’ouest, environ une semaine avant la mise en place du dôme de chaleur.

Vague de chaleur : un concours d’influences thermiques et dynamiques

Pour arriver à ces résultats, les chercheurs ont tiré parti d’un modèle de circulation générale afin de retracer la trajectoire des parcelles d’air constitutives du dôme de chaleur. L’analyse révèle que ces parcelles proviennent des ascendances chaudes et humides qui alimentaient les dépressions situées sur le Pacifique nord-ouest environ une semaine plus tôt. Réchauffées par la condensation de la vapeur d’eau, elles ont ensuite circulé pendant plusieurs jours à une dizaine de kilomètres d’altitude en direction de l’Amérique du Nord avant de lentement descendre vers la surface.

Si les précipitations avaient été moins importantes sur le Pacifique Nord (brun), les températures auraient été sensiblement moins élevées sur le nord-ouest américain (bleu). Crédits : D. L. Schumacher & coll. 2022.

En perdant en altitude, l’air se comprime. Aussi, l’énergie libérée dans les ascendances au moment de la condensation s’est pleinement manifestée sous forme de chaleur sensible, participant aux températures records mesurées en cette fin juin 2021. La contribution sur les maximales est estimée à 2 °C. Outre l’influence distanciée de la chaleur latente, les chercheurs ont montré que la présence de sols anormalement secs a également contribué à amplifier l’intensité de la canicule de plusieurs degrés.

Si l’on en croît ces résultats, la présence de sols plus secs et surtout d’une quantité plus importante d’eau précipitée en amont aurait pu conduire à des températures encore plus élevées. Il s’agit d’une nouvelle inquiétante puisque l’on sait que le réchauffement du climat augmente la quantité d’eau qui circule dans l’atmosphère, et donc le potentiel de condensation et de libération de chaleur latente en amont des systèmes anticycloniques associés aux dômes de chaleur.