Il est bien connu que de nombreuses grandes espèces de vertébrés ont disparu à la fin du Pléistocène dans la plupart des régions du monde. La cause de l’extinction de cette mégafaune reste incertaine, même si le changement climatique et les impacts humains ont souvent été pointés du doigt. Selon une nouvelle analyse approfondie, les deux causes seraient effectivement impliquées, et même intimement liées. Les détails de ces travaux sont publiés dans la revue Science.
La disparition de la mégafaune
La mégafaune du Pléistocène est un terme utilisé pour désigner les animaux de grande taille qui vivaient sur Terre pendant la période géologique du Pléistocène (de 2,6 millions d’années à environ 11 700 ans). Parmi ces animaux emblématiques figuraient les mammouths, les tigres à dents de sabre, les mégalocéros (cerfs géants), les glyptodons (tatous géants) ou encore des paresseux géants, pour ne citer que ces exemples.
La plupart de ces animaux se sont éteints à la fin de cette période qui marquait également la fin de la dernière période glaciaire. À cette époque, le réchauffement climatique entraîna des changements importants dans les écosystèmes. Les espèces adaptées aux conditions froides des périodes glaciaires ont notamment eu beaucoup de mal à s’adapter. C’est pour cette raison que l’on a souvent accusé le changement climatique d’être la cause de la disparition de cette mégafaune. On estime ainsi que les deux tiers des grands mammifères ont disparu en dehors de l’Afrique.
Cependant, l’arrivée des humains dans la région pourrait également avoir joué un rôle. Nous savons en effet que nos ancêtres n’hésitaient pas à s’attaquer à ces grands animaux pour leur viande et leur fourrure. À force de réduire les effectifs, il est donc possible que les humains aient empêché le renouvellement des populations.
En fin de compte, les causes de cette grande extinction (la première depuis celle des dinosaures) sont assez complexes et peuvent inclure plusieurs facteurs déterminants. Le problème est que nous manquons de fossiles datés de manière fiable et d’une chronologie précise montrant quand les extinctions se sont produites en relation avec les changements environnementaux et humains.
Le rôle du feu
Pour surmonter ce problème, des chercheurs ont récemment analysé les archives fossiles des fosses de goudron de La Brea. Situé dans le sud de la Californie, ce site d’environ cinq hectares est connu pour avoir préservé de manière exceptionnelle une vaste collection de restes d’animaux préhistoriques datant principalement de cette époque. Concrètement, ces fosses de goudron se sont formées il y a des milliers d’années lorsque des nappes de pétrole brut sont remontées en surface, formant des flaques de goudron bouillant. Il arrivait alors parfois que des animaux se retrouvent piégés à l’intérieur sans pouvoir s’en échapper.
Pour ces travaux dont les résultats ont été publiés dans la revue Science, l’équipe s’est concentrée sur huit espèces de grands mammifères, dont des coyotes, des chevaux, des félins à dents de sabre ou encore des lions américains. Une datation au radiocarbone a révélé que sept de ces espèces avaient disparu il y a environ 13 000 ans. En comparant ces données avec les enregistrements du climat, du pollen et des incendies de la région (forage de carottes), ainsi qu’avec les données sur les mouvements et la croissance de la population humaine, les chercheurs ont alors pu dresser un tableau un peu plus clair de la situation.
Concrètement, les scientifiques ont découvert que la région essuyait de plus en plus d’incendies au cours de cette période. Les auteurs notent que cette augmentation des incendies pourrait résulter du réchauffement et de l’assèchement induits par le changement climatique. Cependant, d’après les analyses, leur fréquence et leur intensité auraient commencé à augmenter en conjonction avec l’impact croissant des humains sur le système. Autrement dit, plus les humains étaient établis dans la région et plus les incendies étaient fréquents, ce qui était également corrélé avec une diminution de la mégafaune.
Une situation similaire aujourd’hui
La recherche, en plus de nous aider à préciser les véritables causes de cette extinction, fait également écho à la situation actuelle. De nos jours, 95 % des incendies que nous observons sont en effet causés par des sources anthropiques (lignes électriques, feux de camp, jets de cigarettes, etc.). Par ailleurs, le changement climatique d’origine humaine crée les conditions propices à des sécheresses prolongées, ce qui favorise d’autant plus le déclenchement et la propagation de ces incendies. En tant que tel, il nous appartient de prêter attention aux conséquences du passé pour éviter une nouvelle extinction.