Comme les humains, les orangs-outans sont capables de « parler du passé »

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Crédits : Flickr / Bernard DUPONT

Une récente étude menée dans une forêt de Sumatra suggère que les orangs-outans sont capables de communication intentionnelle, préférant patienter quelques minutes avant de prévenir d’un danger potentiel. Ils seraient ainsi – avec les humains – les seuls à pouvoir « parler du passé ». Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Science Advances.

Parler du passé

Les orangs-outans émettent un « couinement » lorsqu’ils repèrent un prédateur. Ce bruit a pour but d’informer lesdits prédateurs qu’ils ont été repérés, mais aussi d’avertir les autres singes qu’un ennemi est proche. De nombreux autres animaux ont des cris d’alarme, mais tous réagissent « sur le moment ». Les orangs-outans, en revanche, seraient les seuls, avec l’Homme, à être capables d’annoncer un danger « après coup ». En d’autres termes, de « parler du passé », ce qui dénote une incroyable intelligence cognitive.

« Les résultats sont assez surprenants », note Carel van Schaik, primatologue à l’Université de Zurich en Suisse, qui n’était pas impliqué dans l’étude. « La capacité de parler du passé ou du futur est l’une des choses qui rendent le langage si efficace », dit-il. Il ajoute aussi que « ces nouvelles découvertes pourraient fournir des indices sur l’évolution du langage lui-même ».

Pour en arriver à cette conclusion, Adriano Reis Lameira et son équipe, de l’Université de St Andrews au Royaume-Uni, ont récemment étudié les cris d’alarme des orangs-outans dans la forêt dense de Ketambe, à Sumatra. L’idée consistait à repérer une mère orang-outan perchée dans un arbre, et de se faufiler à quatre pattes aux pieds de l’arbre recouvert d’un drap orange, rayé de noir (pour imiter la présence d’un tigre en contrebas), ou tacheté (panthère). Une fois repérés, les chercheurs s’attendaient à entendre les cris d’alarme des primates. Mais ces derniers ont eu une réaction plus surprenante.

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Les orangs-outans seraient capables de parler du passé. Crédits : Maxime Aliaga/Sumatran Orangutan Conservation Program, SOCP

Patienter avant de prévenir

La toute première femelle, accompagnée de son bébé, n’a en effet émis aucun son. « Elle a arrêté ce qu’elle était en train de faire, a attrapé son bébé, a déféqué [un signe de détresse] et a commencé à monter lentement plus haut dans l’arbre, explique le chercheur. Elle était complètement silencieuse ». Vingt minutes ont alors passé, puis la femelle a commencé à prévenir son bébé et les autres avec des cris d’alarme pendant plus d’une heure. Sept femelles ont au total été testées, et chacune attendait en moyenne sept minutes avant de commencer à communiquer sur le danger passé.

Selon les chercheurs, les femelles sont dans un premier temps restées silencieuses pour ne pas attirer l’attention. « La mère a estimé que le prédateur était vraiment dangereux pour son enfant et a choisi de ne pas appeler avant qu’il ne soit parti, poursuit Adriano Reis Lameira. Ensuite, et seulement à ce moment-là, elle a fourni des informations, permettant au nourrisson de s’informer sur le danger qui était passé ».

Capacités cognitives

Si le fait de patienter quelques minutes avant de partager une information peut, pour l’Homme, paraître très facile, ce type de raisonnement implique en réalité d’incroyables capacités cognitives. Par exemple : évaluation des risques, prise de décision en fonction d’une situation donnée, mémoire à long terme, communication intentionnelle. « Ne pas répondre immédiatement à un stimulus (dans ce cas, un tigre) est considéré comme un signe d’intelligence », explique en effet le chercheur.

Le fait de pouvoir communiquer sur des événements passés est un « élément constitutif cognitif » du langage, peut-on par ailleurs lire dans l’étude. Ainsi notre capacité à comprendre et à « parler du passé » a peut-être évolué à partir d’un ancien hominidé commun aux humains et aux orangs-outans.

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