Comme les humains, les animaux deviennent moins sociables en vieillissant

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Crédits : Yod67/iStock

Beaucoup ont une vision négative des personnes âgées, les trouvant grincheuses, voire acariâtres et déplorant leur mine renfrognée. Toutefois, il n’y a pas que les humains que la vieillesse rend revêches. Une nouvelle série d’études montre en effet que dans le monde animal, beaucoup d’espèces deviennent beaucoup moins sociables avec l’âge, ce qui se manifeste par une diminution notable de leurs relations avec leurs pairs. Mais comment expliquer ce changement de comportement mystérieux chez les animaux ? La science propose des hypothèses, l’une d’elles étant que ce vieillissement social semble avoir tout un tas de bienfaits selon une série de seize recherches sur le sujet dans la revue Philosophical Transactions of the Royal Society B Biological Sciences proposées par des chercheurs du monde entier.

Étudier les animaux tout au long de leur vie

Étudier comment les animaux modifient leur comportement social en vieillissant présente des avantages, car les scientifiques peuvent souvent suivre les animaux durant toute leur vie et réaliser des expériences, ce qui est difficile chez les humains du fait de leur longévité.

Le Dr Greg Albery du Trinity College de Dublin, coéditeur de cette édition spéciale, estime en tout cas que ces recherches sont essentielles « parce que le vieillissement est un processus universel et que tous les animaux vivent dans un certain contexte social ». Ainsi, « les sujets que nous abordons en détail peuvent avoir des implications très étendues. L’espoir est qu’en comprenant la diversité du vieillissement et de la sociabilité chez différentes espèces, nous puissions éclairer les processus qui régissent notre propre société à un moment où la compréhension du vieillissement est particulièrement importante. »

Pour l’une de ces études, les chercheurs ont analysé les données de plus de 150 espèces différentes et constaté que les espèces plus sociables vivent plus longtemps, ont des générations et des périodes de reproduction plus longues. À en croire les autres études, cela n’empêche toutefois pas une tendance à la réduction de la sociabilité lors des vieux jours chez de nombreuses espèces allant des cerfs sauvages aux singes en passant par les oiseaux. Cette collection de recherches montre même que les effets sociaux du vieillissement sont un phénomène biologique si étendu qu’il concerne même… les mouches des fruits (ou drosophiles).

drosophile mouche
Crédits : André Karwath / Wikipédia

Et bien que le déclin des relations soit souvent perçu comme négatif, du moins pour les humains, il peut également apporter une myriade de bienfaits dans le monde animal.

Être moins sociables : de nombreux avantages pour les animaux

« Dans l’ensemble, il semble qu’il existe un schéma très général d’individus devenant moins sociables avec l’âge », résume le Dr Josh Firth de l’Université de Leeds, qui ajoute que la recherche a également exploré les causes et les conséquences possibles de cet isolement grandissant avec l’âge… tout en montrant que cette tendance comporte des coûts, mais aussi des avantages certains.

Selon le chercheur, il est notamment possible que les individus plus âgés soient moins connectés socialement parce qu’ils n’ont tout simplement plus besoin de partager des informations de la même manière que les plus jeunes. Inversement, les avantages des relations sociales peuvent donc être moindres pour eux par rapport aux jeunes individus qui ont réellement besoin de ces connexions pour des éléments comme la reproduction ou l’information nécessaire à leur survie.

Une protection contre les infections

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Crédits : Pavel Mora/iStock

En vieillissant, les humains deviennent plus enclins aux infections et de même, le système immunitaire des animaux s’affaiblit avec l’âge, ce qui pousse les experts à penser que le fait d’être moins sociables est un moyen pour eux d’éviter les maladies. Une étude de modélisation basée sur des interactions sociales observées chez les macaques rhésus a par exemple révélé que les animaux plus âgés pouvaient réduire leur risque de contracter des maladies particulièrement graves pour leur groupe d’âge en étant moins connectés dans leurs réseaux sociaux.

« Les liens sociaux apportent de grands avantages à un large éventail d’espèces, mais la sociabilité comporte également des coûts, notamment des risques de maladies infectieuses », rappelle à ce titre la Dre Erin Siracusa du Centre de recherche en comportement animal d’Exeter. Or, « ce rapport coût-bénéfice peut changer au cours de la vie des individus, ce qui peut provoquer des changements dans le comportement social. Les individus plus âgés peuvent être plus susceptibles de contracter des maladies, mais une fois ce facteur pris en compte dans nos données, nous avons constaté que les macaques plus âgés subissaient moins de coûts d’infection que leurs homologues plus jeunes. »

Les avantages du vieillissement social pour les macaques dépendaient toutefois des maladies en question. Sans surprise, le bénéfice semblait finalement beaucoup plus marqué dans le cas de maladies très contagieuses et plus dangereuses pour les macaques plus âgés. Globalement, ces résultats suggèrent en tout cas « une raison puissante pour laquelle de nombreux animaux, y compris les humains, pourraient réduire leurs relations sociales en vieillissant », estime la chercheuse.

Moins de parasites pour les animaux moins sociables

biche animaux de la forêt
Crédits : Sander Meertins/iStock

À l’image des humains plus âgés qui réduisent leurs interactions sociales pour éviter des infections comme la COVID-19 au plus fort de la pandémie en 2020 et 2021, les vieilles biches moins sociables ont moins de risques d’attraper certaines infections parasitaires selon une autre étude coécrite par Firth et portant sur les infections par des vers parasites chez des femelles adultes de cerfs rouges sauvages.

Cette étude montre en effet qu’à mesure que les biches vieillissent et deviennent de moins en moins sociables, elles réduisent la compétition et diminuent par le même temps leur risque d’infection parasitaire. Pour en venir à cette conclusion, ces travaux ont ici utilisé des données d’un projet de longue durée suivant un troupeau sauvage sur l’île écossaise de Rum. « Nous avons constaté qu’en général, vous êtes plus susceptible d’être infecté par ces nématodes en vieillissant, mais vous pouvez compenser cela en ne côtoyant pas autant d’individus », conclut ainsi le Dr Firth.

La même chose chez les oiseaux

moineau oiseau animaux du jardin
Crédits : Denisapro/iStock

Dans une autre étude, les chercheurs ont analysé six ans de données sur les moineaux domestiques et constaté que les oiseaux plus âgés avaient des cercles sociaux plus petits et étaient moins bien connectés. Cet oiseau de jardin commun change donc profondément son comportement social en vieillissant. Comme l’affirme le Dr Jamie Dunning, co-auteur de cette recherche, « notre étude est l’une des premières à suggérer que comme les mammifères, les oiseaux réduisent également la taille de leur réseau social en vieillissant. Plus précisément, le nombre d’amitiés et l’importance d’un oiseau dans le réseau social plus large diminuent avec l’âge. »

Ces résultats peuvent s’expliquer par le décès des amis du même groupe d’âge au fur et à mesure qu’ils vieillissent et parce qu’il est plus difficile pour les oiseaux plus âgés de se lier d’amitié avec moins de congénères du même âge disponibles pour se lier avec eux.

Retrouvez cette série d’études sur ce lien.