Et si on s’en allait vivre autour de Cérès, dans la ceinture d’astéroïdes ?

cérès
Crédits : NASA/Rick Guidice

Un chercheur finlandais propose de créer une colonie humaine en orbite autour de Cérès, le plus gros objet de la ceinture d’astéroïdes. Cette option, selon lui, serait une alternative plus viable à la colonisation martienne.

Alors que des astronautes américains s’apprêtent à retourner sur la Lune dans le cadre des missions Artemis, rappelons que plusieurs agences publiques et autres sociétés privées visent également une autre cible : la planète Mars. C’est notamment le cas de SpaceX ou encore de la NASA, qui prévoit une première mission en équipage dans les années 2030.

La planète rouge est candidate évidente, étant donné sa proximité relativement étroite avec la Terre, son cycle jour/nuit d’environ 24 heures et son atmosphère riche en CO2. Mais tout le monde n’est pas de cet avis, suggérant que la colonisation d’une autre planète est plus problématique qu’elle n’en vaut la peine.

Dans un nouvel article publié récemment dans la base de données arXiv, l’astrophysicien Pekka Janhunen de l’Institut météorologique finlandais, propose une ambition beaucoup plus créative : celle de construire une station autour de la planète naine Cérès. Les fans de la série The Expanse apprécieront.

cérès
La planète naine Cérès. Crédits : NASA

Une méga-station composée d’habitats cylindriques

Découvert par Giuseppe Piazzi en 1801, Cérès (950 km de diamètre) est le plus gros objet de la ceinture d’astéroïdes, entre Mars et Jupiter. Cette planète naine, autrefois considérée comme stérile, intéresse de plus en plus la communauté scientifique depuis le premier passage de la sonde américaine Dawn, en 2015. Et pour cause : il pourrait s’agit d’un « monde océanique », avec de l’eau liquide et salée coulant sous sa surface.

Ceci dit, dans son article, Janhunen décrit sa vision d’une méga-station composée de milliers d’engins spatiaux cylindriques, tous reliés entre eux dans un cadre en forme de disque évoluant en orbite autour de Cérès. Une idée générale qui, inévitablement, nous renvoie au cylindre O’Neill, un projet d’habitat spatial théorique proposé par le physicien américain Gerard K. O’Neill dans son livre Les Villes de l’espace.

Chacun de ces habitats cylindriques pourrait accueillir plus de 50 000 personnes, supporter une atmosphère artificielle et générer une gravité semblable à la Terre grâce à la force centrifuge de sa propre rotation, écrit également le chercheur. Pour ce faire, chacun des habitats cylindriques – mesurant environ 10 km de long pour 1 km de rayon – devrait effectuer une rotation complète toutes les 66 secondes.

Les humains pourraient également s’appuyer sur des ascenseurs spatiaux pour transférer les matières premières de la planète directement vers leurs habitats en orbite.

Au-delà des cylindres et de leur cadre de disque massif, le chercheur évoque aussi deux énormes miroirs en verre inclinés à 45 degrés par rapport au disque, de manière à refléter assez de lumière naturelle dans chaque habitat. Celle-ci servirait à la culture des plantes, toutes intégrées dans un lit de sol de 1,5 mètre d’épaisseur. La partie « urbaine » de chaque cylindre, quant à elle, s’appuierait sur une lumière artificielle pour simuler un cycle jour/nuit semblable à celui de la Terre.

cérès
Illustration d’un cylindre O’Neill. Crédits : Rick Guidice/NASA

Sur le plan technique, on en est encore très loin

Mais alors, pourquoi Cérès ? D’une part, parce que sa distance moyenne par rapport à la Terre est comparable à celle de Mars, rappelle le chercheur, ce qui « faciliterait » les voyages dans l’espace. De plus, la planète naine est riche en azote, qui est un élément présent dans le développement d’une hypothétique atmosphère (celle de la Terre est contient environ 79 % d’azote). Janhunen, très optimiste, juge que de telles installations pourraient voir le jour dans vingt ou trente ans.

Soulignons tout de même quelques mises en garde. Manasvi Lingam, du Florida Institute of Technology et spécialiste de l’habitabilité des planètes, considère cette idée comme une « alternative plausible » à la colonisation de la surface de Mars ou de la Lune, bien qu’elle manque encore de considérations clés.

Le chercheur évoque deux problèmes clés. « Le premier est une question d’éléments essentiels, autres que l’azote ». L’un de ces éléments clés est le phosphore, dont le corps humain dépend pour créer l’ADN, l’ARN et l’ATP (une forme vitale de stockage d’énergie dans les cellules). Mais pas que. En effet, tous les organismes sur Terre – y compris les plantes que les colons pourraient espérer faire pousser dans leurs habitats flottants – en ont besoin d’une manière ou d’une autre. Or, cet élément n’est jamais mentionné dans cet article. Tout comme l’oxygène, d’ailleurs.

La deuxième mise en garde est la technologie, poursuit le chercheur. La collecte de matières premières sur Cérès nécessiterait d’extraire ces éléments cruciaux des roches elles-mêmes. Ces opérations seront impossibles véhicules miniers autonomes prêts à être déployés sur Cérès.

Sur le papier, l’idée paraît plausible, admet Lingam, mais sur le plan technique, nous en sommes encore très loin. Rappelons qu’il y a encore quelques jours, le capteur de flux de chaleur HP3 de la mission InSight – surnommé la « taupe » par la NASA – a dû être abandonné par l’agence américaine après avoir échoué à s’enfouir profondément dans le sol de la planète rouge.