Des chercheurs écoutent les cœurs surpuissants de ces chauves-souris (et le nombre de battements est fou)

noctule commune chauve-souris Nyctalus noctula
Crédits : Irene Mei/Flickr

Active principalement au crépuscule et à l’aube, la Noctule commune est une chauve-souris plutôt grande répandue en Europe et en Asie. Elle est reconnaissable à son pelage court et dense d’un beau brun roussâtre aux reflets dorés, à ses oreilles arrondies au bout et particulièrement larges, mais aussi surtout pour ses longues ailes étroites qui lui permettent de voler rapidement et de chasser efficacement des insectes en vol. Pour la toute première fois, des chercheurs ont enregistré le cœur particulièrement puissant de ces animaux sauvages, offrant ainsi une vision plus claire de l’évolution de leurs besoins énergétiques au fil de l’année et de leurs techniques de survie, autant d’informations cruciales pour aider à la préservation de ces chauves-souris essentielles dans le contrôle des populations d’insectes nocturnes.

« Les chauves-souris sont des animaux fascinants qui partagent souvent leur habitat avec nous, les humains. Mais elles sont encore entourées de mystères. Nous n’avons toujours pas de réponse claire à des questions simples telles que : de combien de nourriture ont-elles besoin et peuvent-elles en trouver suffisamment au cours des différentes saisons pour survivre ? Pour prédire comment les chauves-souris vont s’en tirer face au changement climatique, il est crucial d’étudier leurs besoins énergétiques », explique Lara Keicher, l’autrice principale de ces recherches, menées dans le cadre de sa thèse de doctorat.

Un cœur écouté de très près

Pour trouver des réponses à leurs interrogations, des chercheurs du Max Planck Institute of Animal Behavior (MPI-AB) et de l’Université à Constance (Allemagne) ont utilisé une méthode spéciale pour étudier les mâles chez les noctules communes (Nyctalus noctula). Afin d’enregistrer le cœur de ces animaux, les scientifiques ont mis au point une nouvelle technique qui consistait à équiper les animaux de petits transmetteurs qui enregistraient les battements. Ces dispositifs minuscules de tout juste 0,8 g envoyaient des signaux audios en direction des battements de cœur qui étaient ensuite relevés par des récepteurs radio.

Une difficulté de cette méthode résidait toutefois dans le fait que les chercheurs devaient rester à chaque instant à quelques centaines de mètres des chauves-souris pour ne pas perdre contact avec le récepteur qui avait une portée limitée. « Pendant la journée, enregistrer les battements de cœur sans grosses interruptions ne posait pas de problème étant donné que les chauves-souris se reposaient dans des cavernes d’arbres ou des nichoirs spéciaux », explique la chercheuse.

Néanmoins, la nuit posait plus de problèmes, ces mammifères pouvant couvrir plusieurs kilomètres pour chasser des insectes. Les scientifiques durent donc se montrer créatifs et prirent la décision de suivre le vol de ces animaux depuis de petits avions, faisant alors forte impression auprès des locaux surpris de voir des avions enchaîner les allers-retours tard la nuit au-dessus de l’île allemande de Mainau, nichée sur le lac de Constance.

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Crédits : Irene Mei/Flickr

Des données précieuses récoltées sur les chauves-souris

Heureusement, ce travail de recueil de données a payé en permettant d’enregistrer avec succès la consommation d’énergie et la fréquence cardiaque de ces animaux tout au long de l’année. L’une des informations les plus étonnantes glanées au cours de ces recherches fut que les battements pouvaient grimper jusqu’à 900 par minute en vol, une activité à très haute intensité ensuite compensée par des périodes stratégiques à plus basse consommation d’énergie. Grâce à ces recherches, les scientifiques ont surtout découvert une période de « torpeur » pendant le printemps au cours de laquelle les chauves-souris hibernaient en journée. Cela permettait ainsi de réduire leur rythme cardiaque drastiquement jusqu’à seulement six battements par minute pour économiser un maximum d’énergie pour les périodes de chasse où la fréquence pouvait exploser dès le réveil pour atteindre très rapidement leur nombre de battements maximal.

En revanche, cette technique d’hibernation ne servait pas en été. Comme l’explique en effet Lara Keicher, « lors des mois les plus chauds, quand la nourriture est abondante, les mâles restent éveillés en journée pour investir leur énergie dans la production de sperme afin de se préparer pour la saison de reproduction en automne. » L’été est également la saison où ces animaux se montraient plus actifs, passant deux fois plus de temps à chasser qu’au printemps et mangeant encore plus. Aussi, en une nuit, ces mammifères pouvaient manger jusqu’à 33 scarabées et 2 500 moustiques.

Quel sera l’impact de ces recherches sur les chauves-souris ?

Les résultats obtenus remplissent finalement les objectifs des chercheurs en leur permettant de mieux appréhender les défis à la survie rencontrés par les chauves-souris tout au long de l’année et pourront aider à prédire de quelle manière ces animaux répondront aux changements de température extrêmes et au manque de nourriture qui n’ira pas en s’améliorant avec ces mêmes changements. Tout cela va ainsi aider à mieux protéger ces pollinisateurs nocturnes et grands consommateurs d’insectes.

« Toutes les chauves-souris sont protégées en Allemagne et certaines sont au bord de l’extinction », déplore Dina Dechmann, une scientifique du MPI-AB qui a participé à l’étude. Un effort de conservation est donc plus que jamais essentiel. « Une recherche fondamentale telle que l’étude du comportement des animaux et de leurs adaptations à l’environnement peut nous aider à développer des mesures de protection afin que, par exemple, la noctule commune puisse continuer à être aperçue dans le ciel nocturne au-dessus de Constance », conclut-elle.

Retrouvez l’étude complète ici.