Coeur artificiel : « Être centenaire ? Pourquoi pas »

Crédits : Մանէ / Wikimedia Commons

Il est seulement le deuxième homme à avoir reçu un cœur artificiel après qu’une première tentative sur un autre patient se soit soldée par un échec. Opéré le 5 août dernier et de retour chez lui depuis le mois de janvier, l’homme a accordé un long entretien au JDD.

Cela fait aujourd’hui 246 jours exactement que cet homme de 69 ans vit avec le deuxième cœur artificiel Carmat, développé par le Professeur Alain Carpentier. Ce père de deux enfants et grand-père de quatre petits enfants vivant en Loire-Atlantique souhaite garder l’anonymat. « Je ne suis pas un artiste de cinéma ou de chanson. Je ne veux pas qu’on me connaisse. Qu’on débarque chez moi pour ennuyer ma femme avec des questions. Je veux vivre comme avant. »

Aujourd’hui, il revit. En pleine forme, il déclare n’être à aucun moment dérangé par le dispositif, et ne se refuse rien. « J’ai tout à fait récupéré. Je marche, je me lève et je me penche dix à quinze fois chaque jour, sans problème. Je garde mon équilibre. Je ne suis pas dérangé. Je n’y pense même pas. Je fais comme autrefois ». En réalité, il se sent même mieux qu’auparavant, plus vif. « En fait je ne me suis jamais senti aussi bien. Intellectuellement, je réfléchis plus précisément à un tas de choses. C’est difficile à expliquer, je me sens plus rapide. Je n’ose pas dire plus intelligent… »

En décembre 2013, le tout premier cœur artificiel Carmat avait été implanté sur un malade de 76 ans, mais ce dernier avait succombé 74 jours plus tard à la suite de l’arrêt inopiné de la machine. Mais cette première expérience négative n’a pas fait hésiter cet ancien commercial, bien au contraire. « En juillet (2014, alors en phase terminale de graves insuffisances cardiaques, ndlr), quand ça n’allait plus du tout, je ne l’avais pas oublié, mais cela n’a pas modifié ma décision. Je voyais mon état descendre tous les jours. Je me suis répété : “De toute façon, ça va marcher, tu vas t’en tirer, on y va.” À partir du moment où j’avais décidé, j’avais hâte. Les derniers jours m’ont paru très longs. »

Ce cœur, c’est moi!

Ce cœur, qui pèse tout de même 900gr et bardé d’électroniques, il ne le sent « absolument pas », il se l’est même totalement approprié. « Je l’oublie. Quasiment depuis le début je n’ai pas eu l’impression de porter quelque chose d’étranger. Ce cœur, c’est moi. Il est devenu moi. Ce n’est plus celui du Pr Carpentier, il est tout à fait à moi! »

Le nouveau cœur de ce précurseur fonctionne avec des batteries d’approvisionnement, et comme il le dit lui-même, « il ne faut pas oublier de charger les batteries ». Mais pour cela, l’homme a une technique : « Je tiens une comptabilité précise, j’ai numéroté mes batteries par séries de quatre et je les fais passer à tour de rôle. Je tiens un tableau dans lequel je note les heures et les changements, pour vérifier qu’elles tiennent comme il faut. Ce n’est pas compliqué », indique celui que se rend une fois par semaine à l’hôpital pour faire le suivi.

Désormais très heureux et en pleine forme, l’homme s’est fixé un objectif : « Je me suis fixé vingt ans après l’opération. Après… on verra. » Ce qui l’amènera à l’âge de 99 ans. Du coup, « être centenaire, s’il y a moyen, pourquoi pas? ».

Plusieurs implantations avant homologation

Le cœur artificiel Carmat est dans la première des deux phases d’essais cliniques prévues avant une homologation et une commercialisation de l’appareil dans l’Union Européenne. Cette première phase prévoit l’implantation sur un total de quatre patients afin de « tester la sécurité de la prothèse » et évaluer la survie des malades, qui sont tous des malades du cœur en phase terminale de leur maladie. La deuxième phase prévoit l’implantation sur « une vingtaine de patients » pour examiner en plus de la survie « des aspects plus qualitatifs d’efficacité, de qualité de vie et de confort du patient », selon cette société française cotée à la bourse de Paris.

Sources : jdd, carmat