Climat : vers une hausse inquiétante des chablis en Amazonie

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©Pixnio/CC0

La déforestation et le changement climatique sont deux grandes menaces bien connues qui pèsent sur l’Amazonie. Or, des chercheurs ont récemment découvert que le réchauffement global n’affectait pas seulement la forêt tropicale à travers les sécheresses, les vagues de chaleur ou les incendies, mais également par l’intermédiaire des orages. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Communications le 6 janvier dernier.

Ces travaux novateurs montrent que dans un climat plus chaud, l’intensité des pluies et des vents violents qui accompagnent les orages augmentera. Par conséquent, l’ampleur des chablis qui leur sont associés, c’est-à-dire l’ensemble des arbres déracinés ou brisés, devrait croître. Or, une fois au sol, les troncs et les branches se décomposent. Ainsi, du dioxyde de carbone (CO2) et du méthane (CH4) repartent vers l’atmosphère, ce qui contribue en retour à réchauffer le climat.

Avec les vagues de chaleur, les sécheresses et les incendies, les phénomènes orageux constituent donc une autre voie par laquelle le changement climatique peut faire basculer l’Amazonie ou toute autre forêt tropicale d’un puits à une source nette de carbone. Selon les scientifiques, la fréquence des chablis de 25 000 mètres carrés ou plus devrait augmenter de 43 % à l’horizon de la fin du siècle dans un scénario sans politique climatique.

Amazonie
Localisation des chablis recensés par les chercheurs entre 1990 et 2019. Crédits : Yanlei Feng & coll. 2023.

« Construire ce lien entre la dynamique atmosphérique et les dommages en surface est très important à tous les niveaux », souligne Jeff Chambers, l’un des coauteurs de l’étude. « Nous voulions savoir ce que ces violents orages et ces chablis représentaient en termes de dynamique, de bilan carbone et en ce qui concerne les puits de carbone dans les forêts ».

La CAPE pour anticiper l’évolution des chablis en Amazonie

Pour arriver à ces résultats, les chercheurs ont recensé plus de mille chablis majeurs survenus depuis une trentaine d’années à l’échelle de l’Amazonie. Après avoir analysé les variables atmosphériques associées à l’ensemble de ces évènements, ils ont constaté que l’énergie potentielle de convection disponible, plus connue de son acronyme anglais CAPE, était un prédicteur raisonnablement efficace.

Augmentation de la CAPE d’ici à la fin du siècle, par rapport à la moyenne 1990-2014. Crédits : Yanlei Feng & coll. 2023.

Or, les modèles de climat anticipent une augmentation des valeurs de CAPE avec la poursuite du réchauffement, ce qui implique une intensification des orages au-dessus du bassin amazonien et donc des phénomènes violents responsables des chablis. Le problème est que cette interaction entre les orages et la forêt n’est pas représentée dans les modèles. Aussi, les travaux futurs viseront à préciser le rôle de ce processus dans le risque de dépérissement des forêts tropicales et dans la rétroaction du cycle du carbone sur le réchauffement.

« Les orages sont responsables de plus de la moitié de la mortalité forestière en Amazonie », explique Yanlei Feng, auteur principal de l’étude. « Le changement climatique a beaucoup d’impact sur les forêts d’Amazonie, mais jusqu’à présent, une grande partie de la recherche s’est concentrée sur la sécheresse et les incendies. Nous espérons que notre étude attire davantage l’attention sur les extrêmes orageux et améliore les modèles pour qu’ils puissent fonctionner dans un environnement climatique évolutif ».