Climat : vers un océan Arctique libre de glace en été d’ici 20 ans ?

ocean soleil glace
Photo d'illustration. Crédits : Pixabay.

Selon de nouveaux résultats, l’océan Arctique risque d’être libre de glace en été d’ici vingt ans seulement. En effet, l’oscillation inter-décennale du Pacifique – un mode de variabilité naturelle – est a priori en train de transiter vers sa phase chaude. Or, cette dernière s’associe à une accentuation du transport de chaleur et d’humidité vers le pôle. Ainsi, combiné au réchauffement global, cela nous placerait sur une trajectoire menant rapidement au retrait quasi-total de la banquise en été.

Depuis 1979, la surface de la banquise arctique en septembre – mois du minimum d’extension – s’est réduite de moitié. Il en va de même de son épaisseur. En d’autres termes, la glace de mer en fin d’été a perdu trois quarts de son volume depuis le début des observations par satellites. Cette tendance lourde s’inscrit dans un contexte global de réchauffement climatique.

Au rythme actuel, les projections envisagent un Arctique libre de glace en été vers le milieu du siècle. Cet état étant défini par une extension de banquise inférieure à 1 million de kilomètres carrés. Cependant, l’échéance annoncée est accompagnée d’une incertitude de ± 20 ans en raison de la variabilité interne au système climatique, qui peut retarder ou précipiter l’apparition du premier été sans glace.

Cette variabilité interne serait d’ailleurs responsable de 40 % à 50 % de la perte observée au cours des dernières décennies. Il s’agit donc d’un paramètre essentiel à prendre en compte.

Observer la variabilité naturelle pour réduire les incertitudes

Une étude parue le 5 février 2019 dans la revue Geophysical Reasearch Letters a tenté de réduire la marge d’incertitude en explorant comment les fluctuations internes pouvaient moduler la rapidité du retrait des glaces. La structure dont l’influence a été étudiée ici est l’Oscillation Inter-décennale du PacifiqueIPO en anglais. Il s’agit d’un mode de variabilité de long terme interne au système climatique. Il se manifeste par des anomalies de température de surface de la mer cohérentes à l’échelle du bassin et de polarité opposée suivant la phase du mode – négative ou positive.

Les chercheurs ont utilisé un modèle de climat et produit 40 simulations qui ne diffèrent que par la séquence de variabilité naturelle dans laquelle elles évoluent. La moyenne d’ensemble prévoit un Arctique libre de glace en 2046. En outre, on retrouve la marge d’incertitude d’environ ± 20 ans évoquée précédemment.

arctique projection
Extension de glace de mer en septembre. Les observations sont en noires et terminent à l’instant 0. Les modélisations démarrent à l’instant 0 et sont en bleu, orange et gris pour des états initiaux en IPO froide, chaude et neutre respectivement. Les lignes orange et bleues en gras représentent la moyenne des simulations en IPO chaude et froide respectivement. La ligne horizontale situe le seuil de l’Arctique libre de glace. Notez l’écart de 7 ans entre les deux courbes. Crédits : J.A. Screen & al. 2019.

En analysant leurs simulations, les chercheurs ont noté que dans celles où l’IPO démarre en phase négative puis transite en phase positive, l’occurrence d’un Arctique libre de glace est plus précoce de 7 ans en comparaison du scénario inverse. Ce résultat est présenté sur le graphique ci-dessus. On peut l’expliquer par la modulation du transport de chaleur vers le pôle nord suivant la phase du mode.

Sommes-nous engagés sur une trajectoire « pessimiste » ?

Au cours des dernières années, l’IPO est probablement entrée dans une période de transition vers sa phase positive. Compte tenu des résultats obtenus, cela suggère que la perte de glace de mer devrait s’accélérer. Nous serions donc engagés sur une trajectoire menant à un Arctique libre de glace en été d’ici une vingtaine d’années – c’est-à-dire plutôt dans la borne inférieure de la marge d’incertitude. À moins, bien sûr, que les émissions de gaz à effet de serre ne soient sensiblement réduites. Dit autrement, il ne faudrait pas compter sur les fluctuations internes pour ralentir l’évolution en marche depuis 40 ans.

Concluons en mentionnant que les chercheurs n’ont pas trouvé de lien significatif avec les températures de surface de la mer dans l’Atlantique. Cet état de fait explique en partie pourquoi l’étude se focalise sur le secteur Pacifique.

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