De récents travaux ont révélé l’apparition de rapports sociaux complexes chez certaines communautés de chasseurs-cueilleurs, cela en réponse à une période de stress climatique survenue il y a environ 8200 ans. Les résultats ont été publiés dans la revue scientifique Nature ecology & evolution ce 27 janvier.
Au nord-ouest de la Russie, en République de Carélie, se trouve l’un des plus grands cimetières humains du début de l’Holocène (Yuzhniy Oleniy Ostrov). Établi au lac Onega à quelque huit cents kilomètres au nord de Moscou, il aurait accueilli plusieurs centaines de sépultures et cérémonies, signant la présence de pratiques socioculturelles complexes chez nos premiers ancêtres.
Simple corrélation ou relation de cause à effet ?
De récents travaux basés sur la datation au carbone-14 ont montré que contrairement à ce que l’on pensait, ce cimetière a été utilisé durant une période d’un à deux siècles seulement, il y a de ça 8000 à 8250 ans. Ces données obtenues par de nouvelles méthodes d’analyse coïncident de façon surprenante avec l’évènement climatique de 8200 BP (acronyme anglais pour Before Present).
À ce moment, le climat de la Terre essuyait un coup de froid bref, mais prononcé, en particulier dans l’hémisphère nord. En effet, la libération d’eau de fonte par le déclin de la calotte des Laurentides perturbait alors la circulation océanique nord-atlantique. Aussi, le transport de chaleur vers le nord s’est temporairement effondré avec un retour de conditions plus inhospitalières englobant les continents eurasien et nord-américain.
Un renforcement du lien social en période de stress climatique
Selon les chercheurs, la corrélation entre l’utilisation du cimetière et cette phase de refroidissement relève d’une réelle relation de cause à effet. Plus précisément, le développement de rites mortuaires se comprendrait comme une réponse sociale à une période de stress climatique. Une fois cette dernière résorbée, le cimetière tomba ainsi dans l’oubli. Dans leur papier, les scientifiques ont pris appui sur les théories anthropologiques et archéologiques afin d’expliquer le lien étroit qui unit ces deux éléments.
Le lac Onega, deuxième plus grand lac d’Europe, aurait centralisé l’accès aux ressources à un moment où celles-ci se raréfiaient. En effet, celui-ci bénéficie d’un microclimat particulier qui lui a permis d’échapper au gel profond et de rester un repère écologique fertile. Les groupes de chasseurs-cueilleurs de l’époque auraient alors tiré parti du cimetière et des rituels associés pour marquer l’appartenance à un groupe social plus large et atténuer les tensions sur les ressources lacustres en définissant des droits d’accès.
« Nos résultats ont des implications pour comprendre le contexte d’émergence ou de dissolution des inégalités socio-économiques et de la territorialité dans des conditions de stress socioécologique », soutient l’étude dans son résumé.