Climat : qu’est-ce qui a mis fin à l’épisode hyperthermique de la limite Paléocène-Éocène ?

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Crédits : Pxhere.

Les mécanismes qui ont mis fin au maximum thermique du Paléocène-Éocène, un épisode de réchauffement extrême survenu il y a environ 56 millions d’années, restent incertains. Toutefois, grâce à l’étude des isotopes du lithium contenus dans les archives naturelles, des travaux ont fait la lumière sur la question. Les résultats ont été publiés dans la revue Science Advances.

L’altération des roches silicatées par les eaux de pluie favorise l’enfouissement du carbone dans les sédiments, agissant de fait comme une pompe à CO2 lente, mais inexorable. Aux échelles de temps géologiques, ce mécanisme est si efficace qu’il s’inscrit parmi les principaux facteurs responsables de la grande stabilité du climat de la Terre.

Stabiliser le climat grâce à l’altération des roches

En effet, lorsque l’atmosphère et l’océan se réchauffent, il pleut plus et l’altération augmente. À l’inverse, en régime climatique froid, elle diminue. En modulant ainsi la concentration atmosphérique en gaz à effet de serre, l’altération régule également les conditions de vie à la surface du globe. Selon de nouvelles recherches, c’est ce mécanisme qui aurait résorbé le plus intense épisode de réchauffement climatique que la Terre ait jamais connu.

Il y a 56 millions d’années, la température déjà élevée de la planète a augmenté de 5 °C à 8 °C en une dizaine de milliers d’années. Cet épisode extrême, lié à l’injection brutale de CO2 par le volcanisme, est connu sous le nom de maximum thermique du Paléocène-Éocène. Sans surprise, il s’est accompagné d’importantes extinctions marines et terrestres. Toutefois, le pic de chaleur s’est dissipé presque aussi rapidement qu’il est apparu, comme en témoigne le graphique ci-dessous.

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Illustration du maximum thermique lors de la transition Paléocène-Éocène, il y a 56 millions d’années, ici sur la température du fond des océans. Notez également le lent refroidissement au fil des millions d’années depuis lors. Crédits : NOAA.

« Notre théorie est que si la roche s’altère plus rapidement en raison de l’augmentation des températures, elle aide également à convertir une grande partie du dioxyde de carbone de l’atmosphère en carbonate insoluble dans l’eau de mer, ce qui signifie qu’à long terme, les niveaux de CO2 finiraient par retomber et le climat finirait par s’en remettre », explique Pogge von Strandmann, auteur principal du papier.

L’intensité de l’altération révélée par les isotopes du lithium

Pour tester leur hypothèse, les chercheurs ont étudié les isotopes du lithium contenus dans les carbonates marins et les minéraux argileux formés à cette époque. Comme la dissolution des roches libère ces éléments, lesquels sont ensuite transportés vers la mer, l’étude des isotopes du lithium permet de remonter à l’intensité de l’altération et donc de la pompe à CO2.

Or, les résultats obtenus confirment la théorie. « L’altération des roches pendant cette période a augmenté de 50 % en raison du réchauffement climatique. L’érosion, la partie physique de l’altération, a même triplé », détaille l’auteur principal. « Une autre conséquence de l’élévation des températures est que l’évaporation, les précipitations et les tempêtes ont également augmenté, ce qui a conduit à encore plus d’érosion. En raison de cette altération accrue des roches, le climat s’est stabilisé, mais il a fallu entre 20 000 et 50 000 ans pour que cela se produise ».

Le réchauffement intense qui se joue actuellement devrait de toute évidence subir le même sort. Toutefois, compte tenu du temps nécessaire pour que l’altération fasse son effet, il serait utopique de compter sur celle-ci pour faire les efforts nécessaires à notre place.