Les scénarios climatiques les moins émetteurs de gaz à effet de serre, et par conséquent compatibles avec l’Accord de Paris, sont souvent perçus comme peu réalistes. De leur côté, les scénarios les plus émetteurs ont également leurs contradicteurs. Aussi, des chercheurs ont appelé la communauté internationale à se détacher des narratifs les plus extrêmes et à rediriger son attention vers les scénarios médians qui sont jugés plus réalistes.
Cet appel publié dans la revue PNAS par des chercheurs de l’Université du Colorado à Boulder (États-Unis) fait suite à une étude parue dans la même revue deux mois plus tôt. Dans celle-ci, des scientifiques demandaient aux climatologues d’évaluer de façon plus approfondie les scénarios de changements climatiques les plus catastrophiques. En effet, selon eux, ces scénarios ne sont pas assez explorés alors même que la trajectoire suivie par nos émissions de gaz à effet de serre nous place sur les rails d’un futur à cette effigie.
Les scénarios les plus émissifs, des narratifs invraisemblables
L’angle d’approche choisi par les auteurs de cette étude et leur propension à mettre en avant les pires éventualités sont toutefois critiqués. Dans leur réponse courte et concise émise le 10 octobre dernier, les savants américains font notamment remarquer que le fait de se focaliser sur les pires scénarios risque d’être contre-productif, d’autant plus que ces narratifs ne sont pas les plus probables.
En effet, dans le scénario haut (SSP5-8.5), où les rejets de gaz à effet de serre augmentent jusqu’à atteindre plus de cent milliards de tonnes par an en 2100, un paradoxe demeure. En effet, si les réserves de combustibles fossiles ne sont pas a priori un facteur limitant, bien que les débats sur la question se poursuivent, la violente dégradation du climat liée à ce scénario se répercuterait sur les sociétés, les empêchant de suivre jusqu’au bout un développement socio-économique compatible avec une telle trajectoire.
« Pour que les émissions dans ce scénario se produisent, toutes les régions du monde devraient avoir plus de 100 000 dollars de PIB par habitant en 2100, sans politique climatique pendant tout le siècle, sur du tout charbon, malgré une chaleur invivable dans les régions tropicales en raison du réchauffement que ce scénario produit », explique Matthew G. Burgess, auteur principal de la lettre publiée dans PNAS. « Ce n’est tout simplement pas réaliste ».
Des extrêmes surreprésentés
Si les scénarios extrêmes, qu’ils soient dans le haut ou dans le bas du panel de réchauffement futur, ne doivent pas être exclus, il apparaît plus judicieux d’appeler la communauté internationale à se concentrer sur les scénarios médians qui sont finalement les plus vraisemblables. Or, à ce jour, ce sont paradoxalement ceux qui ont reçu le moins d’attention. La présentation des projections a en effet la fâcheuse manie de confronter un extrême bas (SSP1-2.6) avec un extrême haut (SSP5-8.5).
À cet égard, le propos voulant que les scénarios hauts soient sous-représentés, justifiant la nécessité de les mettre plus en avant, paraît déraisonnable. En outre, les discours qui appuient sur les scénarios les plus émissifs, sur le risque d’effondrement de la société ou même sur l’éventuelle extinction de l’humanité, alors même que ces voies demeurent peu probables, voire irréalistes, alimentent l’éco-anxiété dont on rappelle qu’elle touche déjà près de 40 % des jeunes.
« En résumé, un large éventail de scénarios climatiques devrait être exploré, mais avec des scénarios catastrophiques invraisemblables déjà au centre des recherches scientifiques, les appels à mettre davantage l’accent dans cette direction risquent d’évincer l’attention nécessaire sur des avenirs plus plausibles », concluent les auteurs.