Des chercheurs ont trouvé que les particules de pollution interagissaient de façon plus complexe qu’attendue avec les nuages bas. En particulier, l’effet refroidissant estimé jusqu’à présent serait fortement surestimé – jusqu’à 200 %. De nouvelles données qui pourront entre autres servir à l’amélioration des modélisations climatiques. Les résultats ont été publiés dans la revue Science le 29 janvier dernier.
Deux grandes sortes de composés sont émis dans l’atmosphère par les activités humaines. Des gaz à effet de serre tels que le dioxyde de carbone (CO2) ou le protoxyde d’azote (N2O) et de petites particules solides ou liquides que l’on appelle des aérosols. Or, ces deux types de composés ont des influences diamétralement opposées sur le système climatique.
Activités humaines et climat : entre gaz à effet de serre et aérosols
En effet, si les premiers induisent un réchauffement, les seconds tendent à provoquer un refroidissement. Toutefois, il faut noter qu’il n’existe pas de symétrie entre les deux influences. Et pour cause, les gaz à effet de serre ont une durée de vie allant de quelques décennies à plusieurs siècles alors que les aérosols sont éliminés en quelques semaines. La dynamique cumulative du CO2 et du N2O explique ainsi pourquoi c’est l’effet réchauffant qui l’emporte très largement.

Les aérosols interviennent donc en masquant une petite partie du réchauffement. Un effet qui perdure tant que les rejets de particules sont actifs, mais qui cesserait en quelques semaines si ceux-ci s’arrêtaient. Depuis des décennies, les chercheurs tentent de quantifier précisément l’ampleur de cette influence. Ou dit autrement, quelle fraction de la hausse des températures est effectivement rendue inapparente.
L’impact direct des aérosols est plutôt bien quantifié. Mais il n’en va pas de même de l’impact indirect qui implique une interaction des particules avec les nuages. En particulier, ceux non précipitants. Sans rentrer dans les détails, on peut retenir que les aérosols accroissent l’éclat des nuages bas. Un effet qu’illustrent très bien les traînées de condensation de navires. Ainsi, la quantité de rayonnement solaire réfléchie est augmentée – d’où le principe refroidissant.
Surestimation de l’impact des aérosols sur les nuages bas
Cependant, dans une nouvelle étude, des chercheurs indiquent que l’impact indirect a été notablement surestimé dans les précédents travaux. En effet, il apparaît que les évaluations antérieures – reposant souvent sur l’étude des traînées de navires – sont victimes d’un biais. Si les nuages bas sont d’abord rendus plus brillants, ils deviennent ensuite moins épais et laissent entrer plus d’énergie dans le système climatique. Par conséquent, une partie de l’histoire était passée sous silence.

« Les traînées de navires sont un bon exemple de la façon dont les effets des aérosols sur les nuages sont traditionnellement considérés et de la façon dont ils sont encore représentés dans la plupart des modèles climatiques », note Franziska Glassmeier, auteure principale du papier. « Notre conclusion est que l’effet refroidissant des aérosols sur les nuages est surestimé lorsque nous nous basons sur les données de traînées de navires. Ces dernières sont tout simplement d’une durée trop courte pour fournir une estimation correcte de l’impact sur les nuages ».
Des implications notables pour la modélisation et la géo-ingénierie
La surestimation s’élève jusqu’à 200 % selon les résultats des scientifiques. Un biais qui a des implications en termes de modélisation climatique, mais également de géo-ingénierie. Parmi tous les projets avancés, l’un consiste à injecter volontairement des particules de sels marins dans les nuages bas pour les rendre plus réfléchissants et donc atténuer le réchauffement. Toutefois, si l’on en croit la présente étude, il pourrait finalement s’agir d’une fausse bonne idée.
« Nos résultats montrent que même en termes de physique des nuages, l’éclaircissement des nuages marins n’est peut-être pas aussi simple qu’il y paraît. Une mise en œuvre naïve pourrait même entraîner un assombrissement des nuages et le contraire de ce qui était prévu » avertit l’auteure principale. « Nous devons certainement faire beaucoup plus de recherches sur la faisabilité et les risques de telles méthodes. Il reste encore beaucoup à apprendre sur la façon dont ces minuscules particules influencent les nuages et le climat ».