Climat : le déséquilibre radiatif de la Terre a été multiplié par 2 depuis 2005

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Crédits : NOAA Satellites / @NOAASatellites.

De récents travaux font état d’un doublement du déséquilibre énergétique de la Terre au cours des quinze dernières années. Une évolution qui indique que le système climatique continue d’accumuler de la chaleur à un rythme croissant. Les résultats paraissent dans la revue Geophysical Research Letters ce 15 juin. 

Tout changement du climat global traduit un déséquilibre entre l’énergie solaire qui entre dans le système climatique et l’énergie infrarouge qui s’en échappe. Aussi, l’absorption et l’émission de chaleur ne s’annulent plus et un changement de température globale doit nécessairement se produire. Le processus persiste ensuite tant qu’un nouvel état équilibre n’est pas atteint. Ce dernier pouvant être très différent du premier, à l’image des écarts glaciaires interglaciaires.

Dans le cas du réchauffement en cours, c’est l’augmentation des concentrations atmosphériques en gaz à effet de serre (GES) qui est la cause principale d’un déséquilibre estimé à 0,3 %. En effet, ces composés que nous émettons à un rythme croissant empêchent la planète de se refroidir facilement car ils freinent l’émission de rayonnement infrarouge vers l’espace. En somme, les GES agissent un peu à la manière d’une couche isolante dont l’efficacité dépend de la quantité de gaz en question.

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Énergie terrestre rayonnée vers l’espace. Les régions chaudes apparaissent en couleurs chaudes. Inversement pour les régions froides (ou les nuages élevés). Crédits : NASA.

Un paramètre climatique de mieux en mieux observé

Pour ces raisons, le suivi du bilan radiatif de la Terre et de son déséquilibre est une thématique majeure. En plus d’offrir un repère de compréhension générale sur l’évolution du climat, il permet une comparaison de premier ordre (i.e. liée à des processus fondamentaux) entre l’évolution observée dans le monde réel et celles simulées par les différents modèles de climat.

Dans ce contexte, une nouvelle étude dirigée par des scientifiques de la NASA et de la NOAA a évalué l’évolution de ce bilan entre 2005 et 2019. Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé deux systèmes de mesures indépendants : les satellites du programme CERES et les flotteurs océanographiques du programme ARGO. Tandis que les premiers mesurent les flux d’énergie au sommet de l’atmosphère, les seconds enregistrent l’évolution de l’énergie stockée dans l’océan. On rappelle en effet que plus de 90 % du déséquilibre radiatif s’exprime par un changement de chaleur océanique. Il s’agit par conséquent d’un très bon indicateur de ce qui est effectivement accumulé dans la machine climatique.

« Les deux manières très indépendantes d’examiner les changements dans le déséquilibre énergétique de la Terre sont en très très bon accord, et elles montrent toutes les deux une très nette tendance, ce qui nous donne beaucoup de confiance que ce que nous voyons est un phénomène réel et pas juste un artefact instrumental », détaille Norman Loeb, auteur principal du papier.

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Évolution du déséquilibre radiatif au sommet de l’atmosphère (rouge) et de l’accumulation d’énergie sur Terre (turquoise). Une valeur positive traduit un gain de chaleur. Crédits : NASA/Tim Marvel.

Un déséquilibre radiatif multiplié par 2 en quinze ans

À première vue, les résultats sont troublants puisqu’ils témoignent d’un doublement du déséquilibre énergétique sur la période d’étude. Une valeur jugée assez alarmante selon les chercheurs. Toutefois, après avoir séparé les différents facteurs jouant sur le bilan radiatif, il est apparu que l’impact des gaz à effet de serre et leurs conséquences était heureusement bien plus modeste que la valeur totale. Et pour cause, sur cette échelle de temps relativement courte (décennale), les tendances sont très influencées par les modes de variabilité naturelle internes à la machine climatique.

Parmi ces modes, l’oscillation décennale du pacifique (PDO pour l’acronyme anglais) a joué un rôle majeur entre 2005 et 2019. En passant d’une phase négative à positive, la PDO a diminué la couverture nuageuse à l’échelle du bassin océanique de telle sorte que plus de chaleur a pu pénétrer dans le système climatique. En travaillant sur des séries plus longues, ces fluctuations positives et négatives finissent toutefois par s’annuler, permettant une meilleure appréciation du signal climatique dû au forçage par les gaz à effet de serre.

« L’allongement et la complémentarité des enregistrements d’ARGO et de CERES nous ont permis à la fois de cerner le déséquilibre énergétique de la Terre avec une précision croissante, et d’étudier ses variations et tendances avec de plus en plus de perspicacité, au fil du temps », illustre à ce titre Gregory Johnson, un des coauteurs de l’étude.

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