Climat : la variabilité naturelle, solution à une controverse de longue date

Nina
Crédits : NASA.

Des chercheurs ont récemment montré que la variabilité naturelle du climat pouvait résoudre un désaccord apparent entre modélisations et observations. Des résultats publiés dans la revue scientifique PNAS ce 30 mars.

La concentration atmosphérique en gaz à effet de serre (GES) a fortement augmenté au cours des 50 dernières années. Piloté en grande partie par la combustion de charbon, de pétrole et de gaz naturel, ce changement dans la composition de notre atmosphère a un impact fort sur le climat. En effet, comme les GES interceptent la chaleur rayonnée vers l’espace par la Terre, toute augmentation de leur concentration amène un surplus d’énergie dans le système climatique. Dis en termes très simples, l’isolation de la planète augmente et cette dernière retient donc mieux la chaleur.

Controverse sur le « point chaud tropical »

Toutefois, l’excédent d’énergie ne se répartit pas de façon homogène sur le globe. Que ce soit en latitude, longitude ou altitude. Ainsi, dans les régions polaires, la présence de glaces et l’absence de convection tendent à amplifier et concentrer le réchauffement près du sol. A contrario, dans les tropiques, les importants mouvements verticaux associés aux orages concentrent le réchauffement en altitude – voir la figure ci-dessous. On parle de point chaud tropical. Cependant, ce dernier est source d’une controverse de longue date dans la communauté scientifique.

réchauffement structure
Structure du réchauffement simulé selon la latitude et l’altitude. Notez les maximas en surface en Arctique et en altitude dans les tropiques. Ici, seule la saison d’hiver apparaît. Crédits : Y. Peings & al. 2019.

Et pour cause, il existe une divergence entre ce que les modèles de climat projettent et ce que les observations montrent. Alors que les premiers prévoient un important réchauffement de la haute troposphère tropicale – vers 10 kilomètres d’altitude environ -, les secondes peinent à en rendre compte. Plus précisément, le point chaud tropical apparaît deux fois moins important sur les mesures. Aussi, certains ont pu avancer que les modèles étaient être trop sensibles au forçage par les GES. Un soupçon qui impliquerait que les simulations exagèrent l’intensité des changements à venir.

Dans une récente étude, un groupe de chercheurs a toutefois montré qu’il n’en était rien. En effectuant plus de 400 simulations avec un modèle climatique de dernière génération, les scientifiques ont trouvé que 13 % de celles-ci étaient en accord avec les observations. Aussi, l’exercice indique que pour un même forçage par les GES, la rapidité du réchauffement d’altitude peut varier grandement à l’échelle multi-décennale. La cause ? La variabilité naturelle du système climatique qui modifie la distribution de chaleur à différentes échelles de temps – via l’ENSO ou la PDO notamment.

La variabilité naturelle ou le respect de la complexité

Il n’est donc pas judicieux de comparer directement les réchauffements projetés et les mesures comme cela a été pu être fait par le passé. En effet, les observations sont fortement influencées par des phénomènes de variabilité interne qui compliquent le signal climatique réel lié au GES. Celui que les moyennes de modèles cherchent justement à isoler en filtrant le bruit naturel. Ceci est d’autant plus signifiant que les observations proviennent des satellites et donc uniquement disponibles depuis 1978.

océan indien atlantique
Crédits : NASA Earth Observatory.

« La variabilité naturelle du climat a probablement réduit le réchauffement observé pendant l’ère des satellites », résume Stephen Po-Chedley, auteur principal de l’étude. « S’il est bien connu que la variabilité naturelle peut produire des périodes de réchauffement atténué sur une dizaine d’années, cette étude démontre qu’elle peut également jouer un rôle important sur les échelles de temps relativement longues de 40 ans propres aux enregistrements satellitaires ».

Par ailleurs, les 13 % de simulations en accord avec les mesures s’associent à un schéma récurrent de phénomènes analogues à La Nina. À l’image de ce qui s’est effectivement produit dans le monde réel au cours des dernières décennies. Un accord qui vient fortement conforter la pertinence des conclusions énoncées par les chercheurs. Enfin, les auteurs montrent que la présence d’un point chaud tropical limité sur la période récente n’implique pas nécessairement des modèles trop sensibles au forçage par les GES.

« Les modèles avec une sensibilité à la fois élevée et faible aux augmentations de GES peuvent produire des simulations compatibles avec le réchauffement estimé à partir des satellites », détaille Po-Chedley. « En conciliant les taux de réchauffement modélisés et observés, il est assez clair d’après nos travaux que la sensibilité au climat n’est pas le seul déterminant de ce réchauffement atmosphérique. La variabilité naturelle est une pièce importante du puzzle ».

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