Climat : la controverse sur le point chaud tropical enfin résolue ?

Structure du réchauffement selon la latitude (abscisse) et l'altitude (ordonnées) dans une simulation numérique. Le point chaud tropical est indiqué par une flèche. Crédits : Geoffrey K. Vallis & coll. 2022.

De nouveaux travaux font la lumière sur l’origine du dĂ©saccord entre les modèles et les observations au sujet du rĂ©chauffement de l’atmosphère tropicale. Cette divergence est Ă  l’origine d’une controverse scientifique de longue date qui semble dĂ©sormais toucher Ă  sa fin. Les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© publiĂ©s dans la revue PNAS ce 21 novembre.

Le rythme de ce rĂ©chauffement, la hausse des tempĂ©ratures plus marquĂ©e aux pĂ´les et sur les continents la nuit que le jour, etc. Dès la fin des annĂ©es 1970, les modèles de climat projetaient dĂ©jĂ  les grandes lignes du rĂ©chauffement climatique que nous observons aujourd’hui. Toutes ces caractĂ©ristiques ont en effet Ă©tĂ© prĂ©vues avant dâ€™Ăªtre observĂ©es, ce qui invite Ă  prendre au sĂ©rieux ce que les modĂ©lisations nous montrent pour les dĂ©cennies Ă  venir.

Le point chaud tropical, à l’origine d’une controverse de longue date

Si les modèles ont bien anticipĂ© les grandes lignes d’un changement climatique associĂ© Ă  une augmentation de la quantitĂ© de gaz Ă  effet de serre Ă©mise dans l’atmosphère, cela ne signifie pas pour autant que les projections ont Ă©tĂ© excellentes sur tous les aspects, loin de lĂ . En effet, les recherches se poursuivent activement depuis les premières simulations et elles ont entre autres rĂ©vĂ©lĂ© un dĂ©saccord entre les observations et les modĂ©lisations au niveau de la haute troposphère tropicale, entre cinq et dix kilomètres d’altitude environ.

Structure du rĂ©chauffement selon la latitude (abscisse) et l’altitude (ordonnĂ©es) dans une simulation numĂ©rique. Le point chaud tropical est indiquĂ© par une flèche. On note Ă©galement l’amplification arctique, avec un maximum de rĂ©chauffement près de la surface au pĂ´le Nord. CrĂ©dits : Geoffrey K. Vallis & coll. 2022.

Dans les tropiques, les importants mouvements verticaux associés aux orages concentrent le réchauffement en altitude. On observe ainsi un point chaud dans la moitié supérieure de la troposphère. Or, les mesures satellitaires montrent que le point chaud est deux fois plus faible que prévu par les modèles. Par conséquent, certains ont pu avancer que les modèles étaient trop sensibles au forçage par les GES. Ce soupçon implique que les simulations exagèrent l’intensité des changements à venir.

La variabilité naturelle sème le trouble

Une nouvelle Ă©tude appuie l’idĂ©e, de plus en plus prĂ©gnante, que cette surestimation n’est pas le signe d’une sensibilitĂ© trop forte des modèles. En effet, les chercheurs ont montrĂ© qu’entre 1979 et 2020, la variabilitĂ© naturelle multidĂ©cennale, particulièrement sensible dans la ceinture tropicale, a en partie masquĂ© le rĂ©chauffement de la haute troposphère tropicale. Le phĂ©nomène impliquĂ© porte le nom d’oscillation dĂ©cennale du Pacifique et a Ă©tĂ© identifiĂ© grĂ¢ce Ă  la marque spĂ©cifique qu’il induit sur le champ d’anomalies de tempĂ©rature.

point chaud tropical
Influence de la variabilitĂ© naturelle et du biais liĂ© aux aĂ©rosols sur le taux de rĂ©chauffement de la troposphère tropicale. Les projections des modèles sont indiquĂ©es par la courbe en noir (en degrĂ© par dĂ©cennie), les valeurs observĂ©es par le rectangle mauve et les valeurs observĂ©es corrigĂ©es de la variabilitĂ© par le rectangle rose saumon. On note Ă©galement les projections d’un modèle corrigĂ© du biais des aĂ©rosols (CESM2-SBB) comparĂ©es Ă  celles avec biais (CESM2). L’une dans l’autre, ces influences rapprochent nettement modèles et observations. CrĂ©dits : Stephen Po-Chedley & coll. 2022.

L’analyse effectuĂ©e Ă  l’aide d’un algorithme d’apprentissage automatique formĂ© sur la base des donnĂ©es observĂ©es indique que la variabilitĂ© naturelle a attĂ©nuĂ© de 25 % l’ampleur du point chaud tropical durant l’ère des satellites. Comme les modèles climatiques n’ont pas vocation Ă  prĂ©voir la sĂ©quence prĂ©cise des fluctuations naturelles, la question de savoir s’ils reprĂ©sentent correctement le point chaud tropical doit se poser sur une Ă©chelle de temps supĂ©rieure Ă  ces fluctuations, c’est-Ă -dire sur une pĂ©riode d’au moins soixante ans.

« Cet effet compensateur de la variabilitĂ© climatique interne sur le rĂ©chauffement dĂ» Ă  l’intensification de l’effet de serre ne peut toutefois pas Ăªtre invoquĂ© pour minimiser le rĂ©chauffement futur et peut, au contraire, conduire Ă  des pĂ©riodes de changement accĂ©lĂ©rĂ© », souligne l’étude dans son rĂ©sumĂ©. Et pour cause, si la variabilitĂ© naturelle peut temporairement attĂ©nuer le rĂ©chauffement, elle peut aussi s’y superposer et l’accentuer.

Enfin, les chercheurs ont identifiĂ© une anomalie dans la quantitĂ© d’aĂ©rosols carbonĂ©s anthropiques prescrite dans les modèles par le passĂ©. Ce biais aurait conduit Ă  un chauffage un peu trop Ă©levĂ© sur la pĂ©riode 1979-2020. LĂ  encore, le problème ne vient pas du fait que les modèles sont trop sensibles au forçage des GES. En rĂ©sumĂ©, l’une dans l’autre, ces influences rĂ©solvent le dĂ©saccord entre les modèles et les observations au sujet du rĂ©chauffement de la haute troposphère tropicale.