Climat futur : le risque de crues éclair revu à la hausse en Europe

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Crédits : pxfuel.

Alors que les crues éclair font la une internationale suite à l’épisode meurtrier qui a frappé l’Allemagne et la Belgique, une étude a récemment montré que les risques encourus avec le changement climatique étaient plus importants qu’on ne le pensait déjà. En cause, des systèmes orageux de moins en moins mobiles à l’échelle du vieux continent. Les résultats paraissent dans la revue Geophysical Research Letters le 30 juin dernier.

Parmi les conséquences associées à la hausse moyenne des températures sur Terre, on retrouve une accélération du cycle hydrologique mondial. Plus précisément, l’évaporation et les précipitations s’intensifient, ce qui conduit à une accentuation simultanée des extrêmes secs et humides. Ainsi, en régime anticyclonique, le déficit hydrique s’installe plus rapidement tandis qu’en régime dépressionnaire, l’eau retourne avec plus de brutalité vers la surface.

Représentation schématique des flux d’énergie impliqués dans le fonctionnement de la machine climatique. L’accélération du cycle hydrologique mondial correspond à une augmentation de la flèche en bleu clair. Crédits : Kiehl & Trenberth, 1997.

En ce qui concerne l’augmentation de l’intensité des pluies, le réchauffement climatique joue sur plusieurs tableaux ainsi que nous allons le voir dans la section qui suit.

Du lien entre réchauffement climatique et pluies extrêmes

D’une part, la taille du réservoir atmosphérique augmente car un air plus chaud peut contenir plus de vapeur d’eau. Ce phénomène exponentiel, explicité par la relation de Clausius-Clapeyron, est une réponse directe au réchauffement et se chiffre à environ 7 % par degré Celsius. Avec un air plus fortement chargé en eau, le potentiel précipitant subit nécessairement une hausse, en particulier en ce qui concerne les évènements les plus intenses comme les orages.

D’autre part, la vigueur des ascendances nuageuses est amplifiée. Là aussi, ce sont les modes orageux qui montrent la plus grande sensibilité car ils sont fortement liés à la libération de chaleur latente par condensation. L’efficacité du transport d’eau est donc majorée, ce qui accentue encore plus le potentiel de précipitations intenses tombant sur de courts laps de temps.

Enfin, la mobilité des systèmes pluvieux intervient également. En effet, une zone de fortes pluies qui se déplace rapidement ne donnera pas les mêmes accumulations d’eau qu’un amas pluvieux évoluant de façon quasi stationnaire. Dans le premier cas, l’eau est répartie sur une grande surface tandis que dans le second, elle est concentrée sur un domaine géographique restreint. C’est ce qu’il s’est récemment passé en Allemagne et en Belgique, avec les conséquences dramatiques que l’on connaît.

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Potentiel de précipitations extrêmes dans le climat actuel (a) et futur (b), dont la partie résultant de systèmes peu mobiles (d, e). Les changements normalisés figurent tout à droite (c, f). Les chiffres correspondent à la fréquence d’évènements par an. Crédits : Abdullah Kahraman & al. 2021.

Vers des pluies plus intenses et moins mobiles, propices aux crues éclair

Le caractère mobile ou non des pluies se présente donc comme un élément crucial, mais jusqu’à présent peu étudié dans le cadre du changement climatique. Dans une récente étude, des chercheurs se sont penchés plus effectivement sur la question au niveau du continent européen en tirant parti de simulations numériques à très haute résolution (2,2 kilomètres), lesquelles sont capables de décrire avec une grande précision la dynamique des systèmes orageux.

Les résultats obtenus par l’équipe de scientifiques – voir la figure ci-dessus – montrent que d’ici à la fin du siècle, et au rythme actuel des émissions, les systèmes peu mobiles seraient jusqu’à 14 fois plus fréquents qu’aujourd’hui à l’échelle du vieux continent. Autrement dit, les zones de pluies intenses tendraient à se déplacer de plus en plus lentement. En prenant en compte cet aspect du problème, les risques d’inondations éclair se présentent comme notablement plus élevés qu’on ne pouvait l’estimer auparavant.

« Les gouvernements du monde entier ont été trop lents à réduire les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique se poursuit à un rythme soutenu » note Hayley J. Fowler, coauteur du papier. « Ces résultats, parallèlement aux inondations actuelles en Europe, est le signal d’alarme dont nous avons besoin pour travailler des systèmes d’alerte et de gestion d’urgence améliorés, ainsi que pour mettre en œuvre des éléments de sécurité par rapport au changement climatique dans nos conceptions d’infrastructures, afin de les rendre plus robustes face à ces événements météorologiques violents ».

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