Climat : ces boucles de rétroactions qui risquent de tout faire basculer

incendie feu de forêt
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Une équipe de chercheurs met en garde quant à l’ampleur et la multiplicité des boucles de rétroactions qui amplifient le réchauffement climatique. Avec près de trente mécanismes amplificateurs recensés, dont tous ne sont pas intégrés aux modèles climatiques, les efforts pour limiter l’élévation des températures sous 2 °C risquent d’être plus importants que prévu. Les résultats ont été publiés dans la revue One Earth ce 17 février.

Le réchauffement lié aux émissions de gaz à effet de serre génère une multitude de changements physiques, biologiques et chimiques qui vont influer en retour sur le réchauffement initial. On parle de rétroaction positive si cette influence amplifie la perturbation initiale et de rétroaction négative si elle l’amortit. La fonte des glaces est par exemple une rétroaction positive. En effet, en exposant une surface océanique plus sombre, le dégel augmente la fraction d’énergie solaire absorbée par le système Terre, ce qui amplifie le réchauffement initial.

Une compilation exhaustive des boucles de rétroactions

Dans une nouvelle étude, des chercheurs ont répertorié et quantifié l’ensemble des rétroactions connues à ce jour. Ils ont ainsi identifié 27 rétroactions positives, 7 rétroactions négatives et 7 rétroactions indéterminées, soit un total de 41. Selon les scientifiques, la diversité et l’hétérogénéité des processus mis en évidence ne sont pas pleinement intégrées dans les modèles climatiques actuels. Autrement dit, les stratégies de réduction des émissions de gaz à effet pourraient ne pas être suffisantes pour limiter le réchauffement sous les 2 °C.

boucles de rétroactions
Illustration de neuf boucles de rétroactions amplificatrices et leurs domaines géographiques. Crédits : William J. Ripple & coll. 2023.

Parmi les processus mal quantifiés, citons le dégel du pergélisol, le risque de dépérissement massif des forêts ou encore les incendies de tourbières. Un point particulièrement important est que toutes ces boucles de rétroactions n’agissent pas isolément, mais s’influencent au contraire les unes les autres. L’analyse et la prévision de la résultante sont donc loin d’être triviales. Pour ces raisons, les chercheurs appellent à une transition rapide vers une science intégrée du système Terre ainsi qu’à une intensification des recherches sur les boucles de rétroaction.

Des phénomènes à seuil encore incertains

Une difficulté particulièrement prégnante est l’existence de seuils, par exemple en matière de fonte des calottes glaciaires, au-delà desquels des boucles de rétroactions s’activent ou s’amplifient de façon incontrôlée et irréversible aux échelles de temps des hommes. « Dans le pire des cas, si les rétroactions amplificatrices sont suffisamment fortes, le résultat est probablement un changement climatique tragique qui dépasse tout ce que les humains peuvent maîtriser », relate William Ripple, auteur principal de l’étude.

Face à ces incertitudes et aux lourds tributs qu’elles mettent en jeu, la meilleure stratégie reste la diminution des émissions mondiales de gaz à effet de serre. « Il est trop tard pour prévenir totalement les impacts du changement climatique, mais si nous prenons rapidement des mesures significatives tout en donnant la priorité aux besoins fondamentaux de l’Homme et à la justice sociale, il pourrait encore être possible de limiter les dégâts », rapporte à ce titre le chercheur. Enfin, notons qu’un site interactif dédié aux diverses boucles de rétroactions est accessible au lien suivant.