Cigarette électronique : une bonne arme contre le tabac ?

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Depuis sa mise sur le marché en 2009, la cigarette electronique a fait couler beaucoup d’encre et remarquons tout de suite qu’il est compliqué d’établir un bilan sur le long terme sur un produit aussi récent. Aussi, médecins et chercheurs ne détiennent pas encore toutes les clefs pour appréhender les effets du phénomène et si l’enthousiasme est de mise pour beaucoup, d’autres se montrent plus méfiants et les études peuvent sembler se contredire. Dans un combat de longue haleine (et pas toujours couronné de succès) contre le tabac, certains voient le vapotage comme une aide sur laquelle ils peuvent se reposer pour arrêter, profitant de la variété d’e-liquide francais pour mêler plaisir et lutte contre le tabagisme. Mais que penser de tout cela ?

Des effets positifs indéniables

Crédits : Wikimedia Commons/TBEC Review

Tout d’abord, des études ont montré que des fumeurs ayant recours à la cigarette électronique fumaient moins et avaient plus de chances de vouloir arrêter avec cet outil. C’est notamment ce que démontrent les travaux publiés dans le numéro de novembre de Cancer Epidemiology et dirigés par Matthew Carpenter, un expert de la lutte antitabac et des addictions qui travaille au centre de cancérologie de la Medical University of South Carolina (MUSC) qui ajoute par ailleurs que les cigarettes sont « la forme la plus dangereuse d’administration de nicotine » alors que des alternatives telles que l’e-cigarette « pourraient considérablement réduire les dommages et les risques de cancer ou d’autres pathologies pour les fumeurs. »

D’après le Baromètre santé 2014 de l’Inpes, 82 % de ceux qui fument des cigarettes classiques et électroniques déclarent fumer moins de tabac classique (moins 9 cigarettes par jour en moyenne). Un distributeur de cigarettes électroniques a par ailleurs réalisé un sondage éloquent auprès de 2 599 personnes : l’arrêt de la consommation de tabac a été possible grâce à cette alternative pour 65 % des personnes interrogées même si des rechutes et autres craquages pour des cigarettes traditionnelles ont été observés pour 53 % des sondés. Le nombre de convaincus affirmant que c’est le meilleur moyen d’arrêter s’élevait à 88 %, notamment grâce au geste se rapprochant de celui effectué lorsque l’on fume ainsi que la présence de nicotine à doses personnalisables.

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D’autres études appuient la notion de dangerosité relative des cigarettes électroniques par rapport au risque élevé que représente la cigarette comme celle de la North East Hills University (NEHU) et une autre étude plus récente de l’université italienne de Catania. Cette dernière, publiée dans Scientific Reports, a comparé sur trois ans et demi les bilans de santé de deux groupes : des utilisateurs quotidiens assidus entre 23 et 35 ans et d’autres jeunes adultes qui n’ont jamais fumé. Les conclusions sont sans appel : les scientifiques n’ont observé aucun changement négatif dans la pression du sang, la fréquence cardiaque, le poids, les poumons ou le système respiratoire des participants des deux groupes.

De son côté, le Pr Dautzenberg (médecin et professeur de médecine français, praticien dans le service de pneumologie parisien de l’Hôpital de la Salpêtrière) estime que « l’usage normal d’une cigarette électronique, que nous fixons à 200 bouffées par jour, n’est pas plus dangereux que l’exposition à l’air intérieur d’une habitation pendant 24 heures ou que l’inhalation de certains médicaments. La fumée de cigarette, elle, contient du monoxyde de carbone et des agents cancérigènes. » Guillaume Beltramo, pneumologue au CHU de Dijon, indique qu’elle « semble moins dangereuse, car elle contient moins de constituants chimiques qui sont 9 à 450 fois moins dosés que dans la cigarette classique. »

Des voix s’élèvent néanmoins contre la vapoteuse

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Dautzenberg se montre néanmoins prudent : « il manque encore beaucoup de données pour assurer la sécurité de ce produit, mais celui-ci sera toujours moins toxique que la cigarette. Par contre, il est plus toxique de fumer la cigarette électronique que de ne rien fumer du tout. » Notons par exemple que dans son avis d’avril 2014, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) pointait le faible niveau de toxicité des liquides (régis par des règles strictes), mais se montrait plus prudent quant aux vapeurs inhalées qui peuvent présenter des substances potentiellement toxiques (métaux, aldéhydes, diacétyle…)

Guillaume Beltramo a quant à lui constaté des réactions aux constituants de l’e-cigarette (détresses respiratoires, pneumopathies lipidiques du poumon…). Selon lui, « On pourrait observer une augmentation des cas d’allergies avec une consommation prolongée massive des cigarettes électroniques dans la population. Des études ont montré que la cigarette électronique provoque des modifications de l’immunité locale, des colonisations des voies aériennes par staphylocoque doré, qui est un facteur de risque de sensibilisation aux allergènes de l’air ambiant (pollens, acariens) et une aggravation de la réponse aux allergènes chez les patients non allergiques. » Il incrimine « les toxiques et les arômes, notamment l’arôme de cannelle qui est fortement impliquée sur la part infectieuse et l’allergie. Par ailleurs, le diacéthyle, un additif alimentaire qui donne le goût de beurre au pop-corn, peut être dangereux en inhalation. Le glycol et la glycérine végétale qui sont les diluants principaux des e-liquides (70-90 %) n’ont pas d’effets secondaires. Par contre, chauffés, ces produits ont un risque de toxicité (…) Une utilisation déraisonnée ou abusive va conduire à la formation de ces impuretés et à la libération de toxiques via les plastiques et les métaux de la cigarette. »

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Ce sont néanmoins bien les jeunes qui inquiètent le plus. Le Journal of the American Medical Association (JAMA) avait publié le 2 janvier dernier une étude réalisée par l’Université de Californie établissant un lien entre vapote et risque de fumer. Sur 10 384 jeunes n’ayant jamais fumé, 851 avaient essayé la cigarette électronique. Un an plus tard, 690 d’entre eux confiaient avoir fumé. Pour les chercheurs américains et le Dr Pierre-François Dancoine, tabacologue à l’hôpital privé La Louvière (Lille), les jeunes sont plus enclins à fumer ensuite, car ils méconnaissent la cigarette électronique (ils pensent qu’elle est inoffensive) et notamment le caractère addictif (nicotine, habitude d’inhaler un produit, adoption d’un geste et comportement…). Comme le note Dancoine dans son étude de 2017 auprès de 600 jeunes de 14 à 18 ans, les trois quarts ne savent pas faire la distinction entre fumer et vapoter.

Enfin, le HCSP a par ailleurs souligné le risque d’une « renormalisation de la consommation de tabac compte tenu de l’image positive véhiculée par son marketing et sa visibilité dans les espaces publics » (goûts attractifs, manque de réglementation pour la vente aux mineurs…).

En conclusion…

Crédits : Flickr/Lindsay Fox

Dans Tous addicts, et après ? les docteurs William Lowenstein et Laurent Karila, deux spécialistes d’addictologie déclarent : « Il est vrai que nous manquons de recul en ce qui concerne la e-cigarette, de même que nous n’avons pas encore cinquante ans de recul pour être sûrs que les smartphones “à hautes doses” n’entraîneront pas plus de lymphomes cérébraux ou de troubles du spectre autistiqueCe dont nous sommes certains, c’est que le tabac tue prématurément 80 000 personnes par an. La cigarette électronique est indiscutablement moins dangereuse que le tabac fumé. […] Elle est le moyen de sevrage le plus surprenant et sûrement le plus efficace que nous ayons observé ces dernières années. L’arrêt du tabac vient “comme un effet secondaire inattendu”, comme un plaisir qui en chasse un autre. Les vapoteurs sont des gens doublement heureux : ils se sont débarrassés des menaces terribles du tabac fumé et se font plaisir en vapotant. »

Source : Inpes